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L’artiste tourna de deux doigts le front de Proserpine vers la lumière, tamisée par de longs panneaux de soie, et courba sa nuque en un angle gracieux. Les traits gonflés de fureur silencieuse, il la contemplait sans ciller, puis attrapait un rouleau posé au sol pour le déchirer rageusement. Elle se devinait dans les esquisses qui recouvraient l’atelier, et rougissait d’apercevoir, si fidèlement reproduite, la rondeur des prunelles qu’elle tenait obstinément baissées.« Que comprends-tu de ce que je demande ! rugissait-il. Que fais-tu sinon planter tout le jour tes fleurs ternes et creuses ? Et sourire, sourire béatement dans cet éternel et ridicule printemps toscan… »
Elle regardait ses mains, dans lesquelles reposait une grenade. Sa mère sans nul doute la chercherait, laissant la maison grande ouverte dans la précipitation, et son nom emplirait les champs désormais silencieux… Entre deux cris, l’angoisse ravagerait le merveilleux visage maternel, la terreur de l’absence gâterait ses rondeurs fécondes, sa blondeur solaire se ternirait de flocons mats et glacés. Des bribes d’un chant lancinant troublèrent ses pensées ; elle se tourna vers la porte avec envie mais le peintre, la devançant, la retint sur son siège. Elle cherchait un mot innocent pour adoucir sa poigne ; seul le grondement de son ventre, supplicié par la faim, s’éleva de sa gorge.
« Mange, ordonna-t-il en étreignant ses mains autour du fruit. Mange donc, les entrailles ont parlé, obéis-leur. »
Il saisit négligemment un fragment de grenade, le croqua d’un coup de dents sec. Une perle sombre roula le long de sa barbe. Ils attendaient.
« Me vois-tu ? Te semblé-je mort ? Allons. Trois grains, et je te laisse en paix. »
L’artiste déposa trois pépins entre les lèvres de Proserpine, et elle les avala tour à tour, les yeux mêlés de crépuscule.
Au-dehors, l’ombre purpurine embrasait l’Italie de ses fleurs stériles.
Au-dehors, l’ombre purpurine embrasait l’Italie de ses fleurs stériles.
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J’aurai vraiment développé une grande passion pour les thèmes Renaissance cette année ! Je ne sais trop d’où cette idée fixe me vint, mais enfin… Comme toujours, ou presque, mille mercis à Angeline Bertron pour le maquillage, la coiffure et la mise en scène ainsi qu’à Charlotte Skurzak pour les photos. La robe que je porte est une vieille Victorian Maiden sur laquelle j’ai brodé quelques rangs de perles…
Ceci sera vraisemblablement mon dernier article de l’année (à moins d’une lubie soudaine à 23 h 58, mais j’en doute). Je vous souhaite donc plein de bonnes choses pour cette soirée si spéciale, paraît-il, et à très bientôt !