vendredi 30 octobre 2015

CCLXV ~ Vienne entre les murs (à peu de choses près).

En plus de mes nombreuses promenades, j’ai profité de mon court séjour pour visiter un certain nombre de musées. Je suis contente d’avoir pu voir à peu près tout ce que je tenais à voir, catacombes et crypte impériale exceptées, même si je me sens à présent quelque peu écœurée par l’expressionnisme, évidemment à l'honneur un peu partout dans Vienne…

(À savoir, si vous prévoyez de vous envoler à votre tour dans la capitale autrichienne : les musées sont extrêmement chers, prévoyez donc un budget en conséquence. Les derniers jours, je fus contrainte de choisir entre les visites et les repas pour ne pas trop entamer mon maigre pécule… Bourse avertie en vaut deux ! Et les avertissements triviaux étant passés, entrons maintenant au cœur du sujet.)

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Si je devais établir une sorte de classement, je dirais que ma plus grande déception revient au Belvédère, même si le passage y paraît incontournable pour les amateurs de Sécession – y est en effet exposé le fameux Baiser de Klimt, on fait difficilement plus emblématique. On y trouve, certes, de jolies pièces de Makart ou de Waldmüller, mais rien qui me rendit vraiment extatique (bien que les œuvres exposées de Waldmüller fussent vraiment charmantes). Disons que j’avais l’impression, en sortant, d’avoir accompli comme un devoir d’élève sage, qui a vu ce qu’elle devait voir, mais sans grande émotion, sans bouleversement. 

Mention spéciale, tout de même, à ce César face au Rubicon de Trübner, dont le titre m’a vraiment fait rire.
Et les jardins sont jolis.

En vrac, ensuite, le musée des Globes, avec une collection impressionnante (la deuxième plus grande au monde, si j’ai bien retenu ce qui était écrit sur les cartels), l’ancienne bibliothèque de style baroque (superbe, mais l’éclairage rendit la prise de vues difficile, donc rien de bien représentatif ici)…


(Je triche, l’entrée de la bibliothèque baroque est à l’arrière de ce chouette fronton.)

… la serre aux papillons du château de la Hofburg, l’Albertina et ses collections temporaires d’art moderne et contemporain, le musée Leopold et ses collections Art nouveau et expressionniste…

Une jolie vue face à la serre.
Les Nymphéas de l’Albertina.
Les Chrysanthèmes de Schiele au musée Leopold.


… Et j’ai été à l'opéra.

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Honneur maintenant à mes deux musées favoris. Tout d’abord, le MAK, le musée des Arts appliqués de la ville, qui s’attache particulièrement aux arts décoratifs des années 1890 à 1938 (année noire…), mais qui présente également une ou deux salles dédiées à des travaux plus anciens, dont l’une entièrement consacrée aux ouvrages de dentelle. De façon générale, je me sens toujours très enthousiaste dans les musées d’arts décoratifs, tant le savoir-faire artisanal me fascine, eût-il trait à la marqueterie, la joaillerie, que sais-je… Et l’exposition permanente consacrée à l’Art nouveau et à Sécession abrite de nombreuse pépites.

Bienvenue dans le MAK.
 
Mon nouveau livre de chevet.
Un détail des Sept Princesses de Margaret Macdonald Mackintosh, une splendeur.
Ameublement et dentelle baroques.
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Mais alors mon immense coup de cœur va au musée des Beaux-Arts de Vienne, lové dans un des pavillons du château des Habsbourg, et où l’on trouve des œuvres qui ont appartenu à cette plus-que-puissante famille. Cranach l’Ancien, Rembrandt, Le Titien, Bruegel l’Ancien, et tant d’autres tableaux de maîtres se côtoient, c’est émouvant et superbe. Sans compter la collection de monnaies, ou celle des antiquités, ainsi que les peintures murales de Klimt, que je n’ai malheureusement pas eu le temps de voir (mince alors, me faudra-t-il y retourner ?). Et le lieu en lui-même est d’une majesté à couper le souffle. 
Franchement, je pense que je vis pour ces moments où, face à tant de grandeur, je me sens minuscule au point d’en perdre toute pensée raisonnée, pour ne réussir qu’à laisser échapper de francs éclats de rire, ceux que révèle la joie pure et complète, celle qui, parfois, apporte le sentiment puissant de se sentir vivant et heureux de l’être.
J’aime bien visiter les musées de façon générale, mais alors celui-ci, je le recommande avec toute la chaleur du monde.

« La FIFA, ça pue. Allons au musée plutôt. »
Pfiou.
Adam et Ève, de Cranach l’Ancien.
Femme à la fourrure, du Titien.
Une Marie à l’Enfant, de Bernardino Luini.
Et pour finir, vous ne saurez plus où poser l’œil.

jeudi 29 octobre 2015

[interlude] CCLXIV ~ Idéal

« [...] enfin j’ai tout obtenu, parce que j’ai tout su dédaigner. Ma seule ambition a été de voir. Voir, n’est-ce pas savoir ?… Oh ! savoir, jeune homme, n’est-ce pas jouir intuitivement ? n’est-ce pas découvrir la substance même du fait et s’en emparer essentiellement ? Que reste-t-il alors d’une possession matérielle ? une idée. Jugez alors combien doit être belle la vie d’un homme qui, pouvant empreindre toutes les réalités dans sa pensée, transporte en son âme les sources du bonheur, en extrait mille voluptés idéales dépouillées de souillures terrestres. La pensée est la clef de tous les trésors, elle procure les joies de l’avare sans en donner les soucis. Aussi ai-je plané sur le monde, où mes plaisirs ont toujours été des jouissances intellectuelles. Mes débauches étaient la contemplation des mers, des peuples, des forêts, des montagnes ! J’ai tout vu, mais tranquillement, sans fatigue ; je n’ai jamais rien désiré, j’ai tout attendu. Je me suis promené dans l’univers comme dans le jardin d’une habitation qui m’appartenait. Ce que les hommes appellent chagrins, amours, ambitions, revers, tristesse, est, pour moi, des idées que je change en rêveries ; au lieu de les sentir, je les exprime, je les traduis ; au lieu de leur laisser dévorer ma vie, je les dramatise, je les développe ; je m’en amuse comme de romans que je lirais par une vision intérieure. N’ayant jamais lassé mes organes, je jouis encore d’une santé robuste. Mon âme ayant hérité de toute la force dont je n’abusais pas, cette tête est encore mieux meublée que ne le sont mes magasins. Là, dit-il en se frappant le front, là sont les vrais millions. »

Balzac, in La Peau de chagrin.

mardi 27 octobre 2015

CCLXIII ~ Vienne hors les murs (ou presque).

Le palais de la Secession, ma toute première visite.
Je dis ceci à propos de toutes mes destinations, mais l’Autriche, et plus particulièrement Vienne, m’attirait depuis des années. Je réalise que la majeure partie de mes voyages à l’étranger prit place dans des terres qui appartinrent jadis aux Habsbourg (ce qui n’est pas compliqué, finalement, vu la vastitude de leurs possessions), sans doute car ces contrées éveillent en moi comme des réminiscences presque exotiques.

(Du Mozart, pour un article sur Vienne : j’ose tout, rien ne peut m’arrêter.)

Êtes-vous prêts pour le grand retour des photos de façades ?

Ce premier billet est donc dédié à mes errances, lors desquelles je me suis promenée et arrêtée dans des cafés pour profiter des douceurs locales (dont aucune Linzertorte, mon immense déception). Dans le quartier à l’ouest de la Karlsplatz, où l’on trouve les fameuses façades Art Nouveau d’Otto Wagner, j’ai même osé pousser la porte d’un bouquiniste, malgré mon allemand déplorable, pour tenir religieusement entre mes mains une édition de 1795 de la Critique de la Raison pure de Kant.

Et repartir avec du Shakespeare.
Détail de la maison aux Médaillons de Wagner und einen Kaffee, bitte, au café Sperl.
Le café Central, proche du… centre de la ville.
L’intérieur est superbe.
Cette fontaine avait quand même plus d’allure que celle de VenusFort
La Graben, principale artère commerciale du centre-ville.

L’allemand viennois est curieux, presque chantant. Les R sont roulés, certaines syllabes deviennent chuintantes, assez loin des articulations plutôt âpres que l’imagination collective prête à la langue. En tendant l’oreille, on discerne quelques notes slaves également, de-ci de-là… Et, même en octobre, Vienne est franchement touristique, ce qui rend parfois la flânerie difficile lorsque l’on a tendance à garder le nez en l’air pour admirer l’architecture – j’aurai bousculé bien des gens, hélas…

Jugendstil et passant très digne.
Vienne, terre de contraste…
Ma seule photographie potable de l’église grecque du centre-ville.

Toutes ces photos proviennent du centre-ville majoritairement pré-XIXe, vraiment riche en petites merveilles (comme cette petite église des Franciscains où a été prise la photo ci-dessus, une pure splendeur baroque), mais j’ai tout de même effectué quelques petites percées en-dehors du Ring, l’artère qui embrasse ledit centre-ville pré-XIXe.

Transition nourriture.
Je me suis promenée jusque dans les vignobles rattachés à la ville (le vin est rudement bon d’ailleurs, j’ai un faible pour les vins blancs des régions germanophones), longé un peu le Danube, un peu bâillé devant les flonflons néogothiques et néoclassiques des monuments officiels, et visité Sissi-Land Schönbrunn.

Mon seul souvenir des vignobles. (Hmm.)
Attention : SOBRIÉTÉ.
Mon seul souvenir du Danube.
Passage obligé.
Mais que voulais-je prendre en photo ? La façade de Schönbrunn ? Un groupe de touristes en goguette ? Les paris sont ouverts.
Moralité : la promenade à Vienne est à elle seule emplie de belles promesses. Pourtant, les musées enferment en leur sein de quoi donner envie de fuir pour un temps la lumière du jour… mais ceci est une autre histoire.
Transparent White Star