lundi 4 novembre 2013

CXXIII ~ « J'ai vingt ans, j’ai mal fait, je pourrai faire mieux. »


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Voilà que tu gis encore sur le sol, enfant que tu es, que tu ne devrais plus être… Quelle en sera la raison, cette fois ? De quelles humeurs te sens-tu la victime, toi qui es plus à blâmer qu’à plaindre ?
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Ah ! Sainte Maman, je t’entends déjà gronder, alors que ma peine est grande. Comment pourrais-je bouger, alors que mon esprit s’englue dans le sublime ? J’ai trop lu, Sainte Maman, et maintenant je ne peux plus vivre.
J’ai en moi les chants des sirènes et les cris des marins. J’ai vu des Révolutions fracasser des rois, des reines, des martyrs succomber dans l’éclat de leur arrogance, Mâtho se raidir devant la fille d’Hamilcar ; j’ai épié les poètes priant Isis et supplié ce triste barbier de ne pas poser son détestable fard sur les joues fiévreuses d’Aschenbach.
Ce soir trop de souvenirs me sont revenus, pauvre spectre tourneur de pages, et j’ai regardé ma main, les boucles de mes cheveux, senti mon cœur battre un peu fort, et j’ai eu si chaud tout à coup, que je me suis allongée sur le parquet froid, bois mort comme les chrysanthèmes que je n’ai pas abreuvés,  trop occupée à rêvasser.
Cruelle que cette mère qui me mit des romans entre les mains, entre les quelques branches de jasmin qu’elle cueillait pour parfumer ma chambre ! Les effluves de ces fleurs sournoises me tournaient la tête alors que je m’émerveillais devant l’idéal ; et lorsque je revenais à moi, le soleil s’évanouissait dans un bain de vermeil ; tout autour de moi la terre chantait sa propre louange, et je la maudissais de toute la rage de mon impuissance. 
J’aspire à décrire, à glorifier ou condamner, mais tout a été dit, et de façon si belle que je ne peux que m’incliner sur ce sol glacé qui tempère mes ardeurs et me rend la raison, sinon l’insouciance.
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Tu avais prédit que je gronderai, et je gronde en effet, puérile fillette qui sent en elle le devoir de l’artiste, mais qui laisse passer le temps en gémissant sur son sort. Ceux qui enragent sans agir ne sont dignes de rien, et tu es pire que les êtres que tu penses rejeter si tu restes allongée à te dire incapable de tout, au lieu de soupirer d’aise sous le joug du travail.
Je refuse de compatir à ta tristesse si tes doigts ne saignent pas sur la plume que tu as laissé glisser sous le lit, sans mot dire, toute à la contemplation narcissique de ton néant. Accuse ta mère et le jasmin, j’accuse ta paresse et ton orgueil. 
Accoude-toi à la table, près de moi, je te prépare un coussin de soie, un déshabillé de dentelles ; j’allume la bougie qui guidera tes songes, et plonge jasmin et chrysanthèmes dans l’or liquide d’un thé de Chine ; si tu te sens faiblir je te donnerai mes caresses, si tu t’endors je percerai ton cou d’une épingle, mais si tu restes telle que je te vois, alors je pars pour de bon, et jamais plus ne reviendrai.
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Non ! Ne pars pas, Sainte Maman, je me plie à tes ordres. Regarde, me voilà assise, j’ai ramassé ma plume, je suis prête à travailler. Ne sois pas fâchée, comprends que je me sente désespérée, parfois, de cette impression de ne pouvoir succéder à ceux que j’admire. 
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Vaine sottise ! Invoquer la nécessité, et la faire suivre de la flatterie. Qu’importe les Anciens, les Modernes, et tous les autres, si tu ne produis rien… Quel besoin as-tu de la comparaison, pourquoi craindre ton manque de talent ? Tente tout d’abord de t’approcher d’eux, juste un peu, au lieu de commencer par la fin. Tu sauras bien ce que tu vaux lorsque tu devras nous défendre aux yeux du monde.
Lève-toi, gorge-toi, et travaille. Le reste n’est que vanité.
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10 commentaires:

  1. Toutes ces photos sont vraiment très belles, j'ai dû étouffer un petit cri en voyant Muffin tant je la trouve jolie dans son pelage d'hiver <3
    Ta tenue est très jolie, elle s'harmonise bien avec l'ambiance générale de cet article (je suppose que c'était le but recherché, et c'est très réussi ! ^^) Ces collants, mon Dieu ces collants...
    Et quant au texte, je m'y identifie parfaitement. Il résume bien mes vaines lamentations de ce weekend en prévision de mes partiels xD

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    1. Ah, petite Muffin, elle ravit les cœurs avec sa jolie fourrure.
      Merci pour ton commentaire, et cessons de remettre à après-demain ce que l'on peut faire demain !

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  2. je ne peux rien dire sauf "woaw <3 "

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  3. D'où ce texte est-il tiré? *-*

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    1. Le texte du corps de l'article vient de moi ^^" En revanche son titre est la préface de "L'Organt" de Saint-Just, que j'ai trouvée magnifique par sa brièveté et son style lapidaire, mais dont j'ai oublié de préciser la provenance, tu me permets donc de réparer cette étourderie !

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  4. Tu viens de me tirer quelques larmes, à cause de la beauté poignante de chaque image, et chaque mot qui résonnent et font écho à ce que je peux ressentir face à ma "créativité". Et puis cette tenue, une merveille !

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    1. Oh, ce que tu dis là me touche beaucoup. Vraiment. Merci <3

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  5. Les photos sont magnifiques, et le texte... ahh.... il résonne particulièrement en moi et me rappelle les longs moments où je n'arrivais pas à me mettre à écrire mon mémoire parce que j'avais l'impression que tout avait été déjà dit et que de toute façon ce que j'écrirais serait nulle... une voix en moi me disait la meme chose que ce que tu as écrit: que le pire, c'est de s'avouer vaincu avant d'avoir fait un effort, de se plaindre d'une difficulté qu'on n'a même pas encore essayé de confronter... mais mine de rien, c'est parfois dur de prendre son courage à deux mains pour le faire.
    Et parfois c'est l'aide des amis et de la famille avec des paroles plus dures qui permettent de se mettre un coup de pied aux fesses et de s'y mettre.
    Tu n'avais sûrement pas une situation aussi "terre à terre" à l'esprit en écrivant ce texte, mais c'est ainsi qu'il a trouvé son écho en moi!
    Je trouve ta façon d'écrire très belle <3 bravo <3

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    1. C'est gentil Lempicka *^^* Merci.
      Je pense qu'en effet ce genre de situations peut être connu dans beaucoup de domaines, parce qu'il est parfois plus simple de se lamenter sur ce qui n'a pas été fait que de s'atteler à la tâche. Et comme tu dis, rien de tel qu'un bon et sincère coup de pied aux fesses pour débloquer les choses.

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