dimanche 31 mai 2015

CCXXXIII ~ Ophélia – second chant


Mais que connaissent ces gens de la folie ? La terre est tendre pour les jeunes âmes qui s’éveillent. Elle tend ses bras noueux où poussent la grâce et les fleurs, ouvre un monde où peuvent s’endormir les esprits fatigués. Je tisse ma couronne de mauvaises herbes, monarque d’un empire flottant où ma présence même est un songe. Là, nul homme pour humilier mon amour et ma raison, mais le repos des simples. Les vivants n’oseront suivre des yeux mon cortège, et pourtant… ! Qu’ils admireraient la statue modelée par le fleuve ! L’eau m’a prise, et a déposé la gemme de son mystère entre mes yeux.

 

La peur de la chute s’estompe à mesure que le ciel devient brumeux sous ma faiblesse. Comme le monde s’orne de couleurs alors inconnues, et entêtantes ! Les verts et les bleus vibrent telles les ailes des coléoptères, la vase grisâtre se mue en cercueil d’un granit rose et délicat, et le fleuve, d’une blancheur séraphique, bouillonne en de délicates nacres. Les hommes craignent la Mort exsangue et ténébreuse, mais elle laisse glisser son suaire terrifiant face à ceux qui l’accueillent avec ardeur, et elle dévoile alors mille douceurs enchanteresses…

 
 

Le manque d’air me brûle à peine ; j’avale l’onde et ses pétales, et, lentement, je me transforme. Comment craindre l’ultime rai de lumière, lorsque l’on a passé sa vie à le fuir dans le rêve… si le ciel me refuse son secours, je resterai blottie dans le courant, et j’étreindrai les enfants des fleurs qui cherchent le salut. Je passerai de corps en corps éveiller l’âme à la toute-puissance de l’éphémère ; la corolle née dans la boue verra son chant atteindre les étoiles. Détachons-nous de la peur du vide, de la pesanteur du squelette, des chaînes de l’amour ; de mon dernier souffle naîtra la tempête, et je déposerai fièrement le pâle velours du tombeau sur le front des désespérées.

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Seconde partie du mythe « intouchable », avec toujours la talentueuse Charlotte Skurzak à la photo. La prochaine étape, c’est directement dans un lac !


Du Ravel pour un thème aquatique, oui, vraiment.

mardi 26 mai 2015

CCXXXII ~ Ophélia – premier chant



Mon père, un matin, m’entretint en ces mots : « La femme cache dans la rondeur de son ventre un trésor que tout homme désire, mais une fois ravi, le ventre ne vaut guère mieux que chair morte, et ainsi s’évanouit l’honneur d’une vierge. Garde-toi de la Lune et du Soleil, ne suis que l’ombre de ma main, et tu seras digne de ton rang ». Quelle jeunesse ne craindrait de s’éteindre avant la première nuit d’amour sacrée… ! J’étouffai alors les candides pensées qui fleurissaient sur mes lèvres, et cachai dans un tiroir les missives d’un prince épris, qui écrivait pour moi seule ses mélancolies et ses espoirs secrets. J’attendrai, me disais-je, l’instant où l’ombre paternelle me pousserait enfin vers l’étreinte dont le désir lentement rosissait mes joues de lait… Et mes journées, longues, ternes,  se perdaient en rêveries.


Mais… ! À trop me méfier des astres, j’oubliai de me méfier des miens. L’amant, fou et menteur, anéantit d’un mot mes chimères ; un feu moqueur dévorant ses yeux, il attrapa mon visage et y cracha un venin qui, brusquement, consuma mon cœur et ma foi.
Je cueillis le chèvrefeuille et la violette, les nouai dans ma chevelure, et m’en fus chanter ma triste ballade par le monde, dans les chambres du château, face aux remparts, et jusque dans la forêt. Je chantais la loi des hommes qui s’abreuve dans l’innocence, qui prend, dispose et rejette, je chantais les vierges brisées, la vieillesse précoce qui glace le cœur et les hanches, l’éternité qui griffe dans les derniers souffles la chair repentante…et je glissai dans l’eau. Mon voile m’étouffe et je me noie ; « Pauvre Ophélia », regretteront les âmes que je croisai. On me dit déjà folle comme toi, ô cruel ami ! Et je sens ton crâne peser à mon côté, alors que l’air que j’exhale fuit l’onde qui m’entrave. Comme le sort semble funeste à ceux qui veulent fuir ! La seule liberté, pour un cœur palpitant, devient le silence du sépulcre.

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Dur, dur de s’attaquer à un monument comme Ophélia. Tant de choses ont été écrites, peintes, dont certaines si proches de la perfection que toucher au mythe en deviendrait presque sacrilège. Mais enfin ! Il est toujours permis de s’amuser un peu. Et passer ces deux heures dans une baignoire en compagnie de Charlotte fut un vrai plaisir. 
Voici donc la première partie de notre contribution à la montagne d’Ophélias qui dorment dans l’imagination des rêveurs. 

D’ailleurs, Charlotte a lancé hier son Tumblr de modèle, n’hésitez pas à vous y promener !

jeudi 14 mai 2015

CCXXXI ~ Des choses et d’autres choses.

Mes deux dernières fins de semaine se sont déroulées au bord de la mer, et, aujourd’hui, la pluie me sert de souvenir aquatique. Et dire que, voilà cinq jours, je bravai les 12° C de la Manche à la tombée de la nuit… (Alors que d’autres se baignaient en Grèce. Bon.)

Peu de photos de cette plage bretonne dont les couchers de soleil m’avaient tant émerveillée l’an passé. Rien à faire, je n’en capturerai jamais l’essence. Cet horizon lisse où l’eau devenait le miroir de la clarté de juin est condamné à rester errant dans les limbes de l’imagination. Mais au moins, chez elle, je peux toujours me baigner… même à Paris.
 
Une rescapée.

Et j’ai encore rapporté des coquillages.
Je suis quelque peu à la traîne par ici, j’ai de belles collaborations à poster, notamment une inspiration Sarah Moonesque que j’aime vraiment beaucoup (et que je commencerai sans doute à égrener ce soir sur mon Tumblr). 


Ces deux photographies de Sarah Moon ont été le fil rouge de cette série. Je ne peux faire mieux comme mise en bouche !

Je suis contente de revenir à des thématiques un peu plus sombres. J’essaye beaucoup de choses ces derniers temps (même du 70’s-lunettes-mange-visage, c’est dire), mais le noir reste ma couleur.


C’est d’ailleurs pour cela que je m’achète des vêtements rouge et crème… Cet ensemble Moitié était un rêve depuis que j’avais essayé la version noire chez ma Sa-Shimi l’an passé, quant à la robe Gunne Sax, elle traînait sur ma wishlist depuis des siècles (oui, oui) avant de brusquement disparaître voilà quelques semaines. Sa réapparition en début de mois était un signe du destin (je n’ai pas du tout de rapport démesuré avec mon dressing). Mais en même temps, quelle merveille !

Et je continue à bidouiller, malgré une légère baisse de régime en début de mois. L’Amy a retrouvé dans un fond de tiroir des babioles de métal vieilli qui me donnent des envies de dolly ou d’orientalisme surchargé (ce qui est à peu près la même chose). Ne me manquent que des crânes – j’ai d’ailleurs continué de démonter mon collier Nécrosarium, qui se divise désormais en collier à trois pendeloques et en paire de boucles d’oreille, j’attends simplement une babiole morbide à raccrocher à la croix centrale – on n’a jamais assez de babioles morbides. Alors en attendant, je termine une série de trucs mignons.

La clef du temps !
Ma chouette récréation moonesque m’avait permis de m’amuser à créer le cristal de Serenity, mais cela faisait des lustres que je rêvais de la clef du temps et de son cristal du futur. J’avais trouvé la clef dans un gacha à Tôkyô (moyennant quelques cris hystériques), mais je ne trouvais pas de cristal rose pâle. Qu’à cela ne tienne, j’ai teint le mien à l’encre… et cela m’a pris un temps fou. Le rose est, en revanche, vraiment très pâle – ce qui ne me dérange pas plus que ça, en fait.

Par exemple, ici, la teinte rose se voit vraiment à peine. Mais enfin.
Quant à ça, euh…
Comme souvent je m’éparpille beaucoup trop, j’ai un voile sur le thème des étoiles en cours de préparation, une couronne pour aller avec cette croix fleurie, des fleurs de soie à coudre sur quelque chose – admirez ce sens de l’organisation –, et ainsi de suite. Je bidouille de la nacre aussi. Pour vider mon stock de coquillages. Heureusement que je passe à peu près 3 heures chez moi par jour, tout avance à une vitesse…

 Et… voilà.

lundi 4 mai 2015

CCXXX ~ Brume : Marie-Antoinette, le Déclin.


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Ah, Maria, où s’est donc envolée l’insouciante, la puissante ? Celle qui d’un regard obtenait perles et fleurs, dont le goût assuré rendait pâlissantes les Cours étrangères, son ennui patronnant les arts…
Te voici, la poitrine déchirée, le cœur aux abois. L’eau sourde dans le bois de Versailles, et l’humidité ronge tes os délicats. La calomnie a achevé l’œuvre du caprice ! Et maintenant, le peuple est en marche. Sens comme ta couronne est lourde des cris de tes sujets ! Ils réclament déjà ton crâne ; bientôt l’Autrichienne dansera sur la pique.

Rappelle-toi ces étés où la solitude apaisait tes frivoles appétits, où la nuit, dans son étreinte, tombait sur ton domaine… Tu reniais, souriante, le tourment d·un peuple, préférant poser les yeux sur l’Amour qui repose dans son temple, le marbre bleuissant sous les étoiles. La Reine fut oubliée, sacrifiée sur l’autel de la langueur, et le vent, faisant danser ta longue robe blanche, portait les effluves d’un soir de bal, où l’encre du désir vint teinter tes joues de son encre subtile…

Mais tu ne sais garder ton masque, Antonia ! Ton cœur ploie et, doucement, tu fléchis.

La Reine réclame à présent ses droits, et tu sens sa main, déjà rongée par le sépulcre, te glacer la nuque. Elle te montre ton nom sali par tes extravagances et gangrené par la haine. La  fenêtre où tu t’appuies, regardant tomber la pluie, grince affreusement, et les souvenirs d’été disparaissent sous la vermine.

Les ombres s’unissent dans un parfum d’orage, et, lasse, tu détournes le regard, soumise à l’oracle funeste que la pluie de juillet chante pour toi.

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Je me sens tellement fière d’avoir représenté le travail de Clara dans cette superbe robe qu’il fallait bien que je lui dédiasse un article ! Marie-Antoinette est une figure un peu particulière pour moi, mes parents m’ayant donné ce royal patronyme comme deuxième prénom. J’ai grandi entre deux lectures de la biographie de Zweig… Sans aller jusqu’à ressentir de grande tendresse pour ce personnage tragique, je me suis quelque peu attachée à son histoire, comme à une sorte de legs parfois encombrant.

Ces instants cruels où Marie-Antoinette se ressaisit dans sa dignité de reine, alors qu’elle lui est soudain refusée, sont ceux que je préfère si je lis sa vie comme un roman. Quelle ironie, tout de même, que de se souvenir de ce que l’on possède à l’instant où on le perd à jamais. Elle sut se battre lorsque sa cause fut perdue, avec cette opiniâtreté fascinante des souverains déclinants… pour devenir des siècles plus tard héroïne romantique !

Incarner ce luxueux spleen n’est pas une mince affaire. Il fallait tout le talent de Clara pour lui donner une âme. Et donc, ma menue carcasse. J’espère avoir été à la hauteur…!

Voici ce que nous en dit Clara : « Cette […] "version" de la Reine évoque ses derniers moments à Versailles, entre solitude, nostalgie et résignation. Grâce notamment au maquillage, j’ai voulu illustrer l’inquiétude et la peur qui peu à peu commencèrent à la parcourir puis à l’envahir, comme un masque s’étendant sur son front, un destin funeste qui peu à peu rampe le long de ses doigts, de ses mains, portées à son cou. Encore une fois j’ai désiré marquer un paradoxe entre ces sombres émotions et la couleur pastel du maquillage ou de la robe. »

Je vous invite à lire son propre article sur cette Marie-Antoinette déclinante, avec en plus de précieuses informations sur le processus de création et les inspirations propres à cette robe. Et n’oublions pas Alexandra, Margaux et Vanessa, sans qui rien n’aurait été possible non plus !
Transparent White Star