mercredi 31 décembre 2014

CCIII ~ Proserpine



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L’artiste tourna de deux doigts le front de Proserpine vers la lumière, tamisée par de longs panneaux de soie, et courba sa nuque en un angle gracieux. Les traits gonflés de fureur silencieuse, il la contemplait sans ciller, puis attrapait un rouleau posé au sol pour le déchirer rageusement.  Elle se devinait dans les esquisses qui recouvraient l’atelier, et rougissait d’apercevoir, si fidèlement reproduite, la rondeur des prunelles qu’elle tenait obstinément baissées.
« Que comprends-tu de ce que je demande ! rugissait-il. Que fais-tu sinon planter tout le jour tes fleurs ternes et creuses ? Et sourire, sourire béatement dans cet éternel et ridicule printemps toscan… »
Elle regardait ses mains, dans lesquelles reposait une grenade. Sa mère sans nul doute la chercherait, laissant la maison grande ouverte dans la précipitation, et son nom emplirait les champs désormais silencieux… Entre deux cris, l’angoisse ravagerait le merveilleux visage maternel, la terreur de l’absence gâterait ses rondeurs fécondes, sa blondeur solaire se ternirait de flocons mats et glacés. Des bribes d’un chant lancinant troublèrent ses pensées ; elle se tourna vers la porte avec envie mais le peintre, la devançant, la retint sur son siège. Elle cherchait un mot innocent pour adoucir sa poigne ; seul le grondement de son ventre, supplicié par la faim, s’éleva de sa gorge. 
« Mange, ordonna-t-il en étreignant ses mains autour du fruit. Mange donc, les entrailles ont parlé, obéis-leur. »
Il saisit négligemment un fragment de grenade, le croqua d’un coup de dents sec. Une perle sombre roula le long de sa barbe. Ils attendaient.
« Me vois-tu ? Te semblé-je mort ? Allons. Trois grains, et je te laisse en paix. »
L’artiste déposa trois pépins entre les lèvres de Proserpine, et elle les avala tour à tour, les yeux mêlés de crépuscule.
Au-dehors, l’ombre purpurine embrasait l’Italie de ses fleurs stériles.
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J’aurai vraiment développé une grande passion pour les thèmes Renaissance cette année ! Je ne sais trop d’où cette idée fixe me vint, mais enfin… Comme toujours, ou presque, mille mercis à Angeline Bertron pour le maquillage, la coiffure et la mise en scène ainsi qu’à Charlotte Skurzak pour les photos. La robe que je porte est une vieille Victorian Maiden sur laquelle j’ai brodé quelques rangs de perles…
Ceci sera vraisemblablement mon dernier article de l’année (à moins d’une lubie soudaine à 23 h 58, mais j’en doute). Je vous souhaite donc plein de bonnes choses pour cette soirée si spéciale, paraît-il, et à très bientôt !

mardi 30 décembre 2014

CCII ~ Barocco (Prague, 3e partie)

J’espère que vous avez tous et toutes passé une excellente période de Noël ; voici, entre deux parts de buche et une légère indigestion, un billet de saison sur deux bâtiments religieux praguois.

Le premier, Notre-Dame-de-Lorette, sanctuaire dédié à la Vierge, est construit sur le modèle de la Santa Casa, édifice italien bâti autour de la maison de la Vierge de Nazareth, apportée de Terre Sainte en Italie dans la ville de Lorette au 13e siècle. En son centre se tient la reproduction de la maison originelle, elle-même entourée d’arcades baroques richement peintes, de plusieurs chapelles et d’une église.

Les superbes arcades.
La reproduction de la maison de la Vierge.
L’Église de la nativité, et son orgue incroyable.
Le sanctuaire possède un très riche trésor sacré, ce soleil de Prague en est l’un des plus fameux.
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Le second bâtiment est l’église Saint-Nicolas de Malá Strana, autre perle baroque. Elle est gigantesque, et sa décoration surchargée est plutôt impressionnante !

La fresque est inspirée de la vie de saint Nicolas. De ce que j’ai compris, les meilleurs artistes tchèques de l’époque ont pris part à la construction de l’église, qu’ils fussent architectes, peintres ou sculpteurs…
L’orgue, lui aussi incroyable. Mozart y a joué lors d’un de ses séjours à Prague.

Je pense me concentrer un peu plus sur les façades et les rues la prochaine fois. J’ai pris tellement de photos… D’ici un ou deux articles, je vous aurai sans doute tout montré. Et dire que je n’ai pas fini de vous parler de mon dernier séjour au Japon… le monde recèle définitivement trop de merveilles !

mardi 23 décembre 2014

CCI ~ Clivage


J’ai découvert Bee and Puppycat.

Petit dessin-animé de quatre épisodes plus un pilote, produit par Cartoon Hangover et créé par Natasha Allegri, Bee and Puppycat est un condensé d’absurde absolument adorable et complètement improbable.


Difficile d’expliquer en quoi exactement consiste l’histoire ; disons que l’on suit les aventures magical-girl-esques d’une jeune femme dans la vingtaine et de son curieux compagnon pas vraiment chat ni vraiment chien (paraît-il). Le pilote m’avait laissé un délicieux goût doux-amer sur la langue.


Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas autant emballée pour un dessin-animé, au moins depuis Mawaru Penguindrum, il y a… quelques semaines ?

Vous aviez besoin de cette image dans votre vie. Ne le niez pas.
Je parle de moins en moins d’animation et de culture otaku, alors que j’en consomme toujours autant. De manière générale, j’assume aujourd’hui avec plus de difficultés ce côté japonophile de ma personnalité, sans trop savoir pourquoi. J’imagine que pointer le nez en-dehors du lolita, apercevoir des femmes à la féminité accomplie qui consacrent tout leur temps à la culture et à l’art me renvoient à une image négative de mes loisirs, que je juge immatures et infantiles. J’aime pouvoir parler indifféremment de Sailor Moon et de Platon. Mais je me considère souvent stupide lorsque je m’enflamme sur l’une et pédante lorsque je m’enflamme sur l’autre. Dans tous les cas, je me sens mal à l’aise. 
Tant que je me sentais totalement femme-enfant, concilier les deux me convenait à peu près. Mais à présent je rêve d’autre chose et je ne sais plus exactement quelle place accorder à mes différents centres d’intérêt. Je ne lis pas assez, mais j’aimerais jouer plus. Rarement ai-je été satisfaite de ce que j’accomplis, mais je sens que cela empire. Je vois le temps passer et je piétine. Ceci vaut aussi pour le vêtement. J’ai toujours envie de ressembler à une poupée, mais je ne me reconnais plus entièrement dans cette image, et préfère désormais les escarpins aux plate-formes.

Mois de décembre, qui instille l’idée de finitude dans mes veines et mes pensées, comme je déteste te sentir ronger mes espoirs de la sorte…

Mais lire le dernier Cutie m’a fait un bien fou. Je suis tombée sur un photoshoot vintage complètement surchargé (mais très joli), de belles photos de lingerie et des chocolats à jambes. 


(Vous en rêviez ? Q-pot et Ahcahcum Muchacha l’ont fait. Sortie prévue le 9 janvier.)


Croiser au fil des pages des tenues assez mûres et élégantes selon mes goûts (mais toujours un peu excentriques, c’est ce qui me plaît aussi !) et des suggestions d’anime et de papeterie régressive me rassure un peu. Et je réalise que je suis totalement dans la cible éditoriale de ce magazine. Je suis une demoiselle qui approche le quart de siècle, qui vit dans son monde et qui se sent complètement perdue dans la réalité. Les « ennui afternoon » et « melancholy party » me vont droit au cœur, ce doit être mon côté weaboo.

J’imagine que je vais gentiment me donner un coup de pied au postérieur et accepter d’aimer à la fois le noir, les magical-girls, et les conférences sur les liens supposés entre figures christique et bouddhique. Si ces centres d’intérêt disparates me permettent tous d’avancer,  je n’ai aucune raison d’en choisir un au détriment d’un autre. Tant que je ne perds pas de vue l’Idéal qui continue de briller au loin, alors tout va pour le mieux.

J’ai l’impression que cet article est le plus positif que j’ai pu écrire depuis des mois, et mine de rien… c’est agréable.

C’est, sans nul doute, le pouvoir de la Patoune.

samedi 20 décembre 2014

CC ~ International lolita day

Cette année, contrairement aux autres, je ne parlerai pas de l’otome day (pourtant dignement fêté chez Camille entre deux pizzas et quelques épisodes de Sailor Moon). En revanche, voici un bref quelque chose sur l’International Lolita Day. Je n’avais encore jamais célébré cette, euh… fête ? mais Petite-Dieu avait organisé pour l’occasion une rencontre au Tea Corner, cet autre QG des lolis parisiennes. L’idée d’y retourner et d’y croiser amies et nouvelles têtes m’a donc poussée à me préparer pour ce jour qui généralement ne m’intéresse et ne me touche que peu (parce que je suis une chieuse, voyez-vous).

Ma tenue pour l’occasion. N’insistez pas, vous ne verrez pas mes cernes. Prenez ce magnifique cœur made in Paint à la place.
Quelques détails. Rapide outfit rundown pour les curieux.ses : jupe Victorian Maiden, boléro Innocent World, collants et collier Groimoire, chaussures Melissa x Vivienne, perles et tout le reste faits-mains/marques indies (Voodooodolly customisé par mes soins pour la broche).
 

Petite-Dieu ! Toutes ces premières photos (sauf le détail de ma tenue) sont d’elle. Vous pouvez en retrouver plus sur son compte Flickr.

Angie m’enseigne tout l’art de Sarah Bernhardt.
L’on pourrait dire que le thème de cette petite réunion était « Apportez vos instax ! ». Cette sorte de Polaroïd aux photos de la taille d’une carte de visite est particulièrement populaire depuis plusieurs années, et munies de stylos spéciaux et d’autocollants, nous avons pu laisser notre bêtise créativité s’exprimer sur nos visages respectifs. J’aime beaucoup ce genre de souvenirs – je me vois déjà les regarder dans dix ans, la larmichette à l'œil.

C’est tout de même émouvant. Surtout ce « Fesse » sur la photo de droite, tant de poésie, de puissance en un seul mot !
« Vas-y, pose pour moi. Mmmmh. J’adorrrre. »
On s’applique, on s’applique.
Un extrait du panneau final.
Outre manger et griffonner mille et une petites choses sur de petites photos, nous nous sommes également offert quelques cadeaux pour un Secret Santa qui avait lieu en même temps. Je fus terriblement gâtée par Chloé-Kourai, merci encore ! Et j’offris quelques souvenirs de Prague à Mila qui les a apparemment bien aimés. Apparemment.

Apparemment.
J’éparpille les petits gâteaux qui se trouvaient parmi les surprises de Chloé.
Bref, j’ai passé un bon moment, merci beaucoup à Petite-Dieu pour avoir pris la peine d’organiser cet ILD, simple et convivial, à son image. 

(Et il faudra définitivement que je vous parle un peu plus du Tea Corner, un jour.)

mardi 16 décembre 2014

CXCIX ~ Ciel !

Dimanche, je suis allée chez Ciel, où j’ai beaucoup trop mangé mais où j’ai pensé à prendre quelques photos. Cela fait si longtemps que je parle de leurs merveilleuses pâtisseries que j’ai décidé de leur consacrer tout un billet.

Le principe de la boutique est assez sympathique : elle propose des parfums intemporels toute l’année (vanille, matcha, yuzu…), et des parfums en séries limitées (fleurs de cerisier au printemps, rose et pêche en été, figue en automne…). Les amateurs de pâtisserie nippone y retrouvent le cycle qui gouverne la ronde des mochi saisonniers, sans doute avec raison car Ciel est bien une pâtisserie japonaise. Sa spécialité n’est autre que l’angel cake très couru outre-Russie (?), sorte de génoise faite à base de blancs d’œufs, au goût très léger fourrée de crème ou encore de compote. 

J’ai goûté chacune de leur spécialité hivernale version 2014…

Angel cakes chai/chocolat à gauche, pistache/clémentine à droite.

Praliné/noisettes.

Marron/armagnac à gauche, fruits rouge à droite.

Leurs gâteaux sont vicieux car vraiment légers (et bons), et il m’est toujours difficile de me restreindre à un seul. Parmi ces 5 gâteaux, ma palme revient sans doute au chai, ou au marron/armagnac, ou… (sans doute devrai-je les goûter à nouveau pour me faire une idée définitive.)


Côté salé, voici une génoise neutre roulée fourrée au poulet teriyaki. La maison sert aussi un gâteau salé au basilic et à l’huile d’olive.

En ce qui concerne les boissons, Ciel propose des thés Jugetsudo (une maison japonaise implantée à Tōkyō ainsi qu’à Paris qui vend du vrai bon matcha), des jus de fruits Alain Milliat, et de très bons whiskys japonais. J’apprécie le concept du salon de thé/bar à gâteaux, ouvert tard dans la soirée pour qui souhaite goûter à 21 heures (du moins en fin de semaine).

Liqueur de yuzu à gauche et de prune à droite.

Pour ne rien gâcher, l’endroit est charmant, clair, lumineux et de taille modeste (ce qui certes peut également être un désavantage car rapidement complet, mieux vaut réserver pour être sûr de trouver une place). La vaisselle est de céramique simple, les couverts de bois… Toute en sérénité et en dépouillement, bien éloignée du design sans âme qui me met mal à l'aise, je trouve la décoration très réussie – fuyez, évidemment, si tout ce qui surfe sur le japonisme vous donne de l’urticaire.


Bref, je suis accro depuis de longs mois maintenant, mais je ne suis pas encore sûre de vouloir en guérir.


Pâtisserie Ciel
3, rue Monge 75005 Paris
Tel. 01 43 29 40 78
Du lundi au jeudi & dimanche 11h-20h
Vendredi & samedi 11h - 22h 

Et j’y vais un peu moins ces derniers temps, mais les éclairs de génie sont toujours aussi bons.
Transparent White Star