lundi 29 février 2016

CCXCII ~ Tu me crois la marée et je suis le déluge.

Ô flot, c’est bien. Descends maintenant. Il le faut.
Jamais ton flux encor n’était monté si haut.

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J’ai enfin acheté le Dit, et j’ai même eu un peu de temps pour le commencer.

Coucou.
« […] et comme, toujours baigné de larmes, il passait de la sorte ses jours et ses nuits, pour ceux-là même qui le voyaient ainsi, ce fut un automne aux rosées abondantes. » : j’en aurai donc pour près de 1 400 pages de cette poésie qui fait la grâce et la lourdeur de l’ère Heian, de cette recherche perpétuelle de la beauté qui écœure au point de donner, parfois, le besoin de trouver un peu de réconfort dans des pensées sordides. Je le lis lentement, pour le moment, car j’ai plus besoin de délicatesse que de dégoût – toujours cette colère… Quand je vois dans le Genji à quel point la mort par affection des nerfs paraît fréquente, je me demande comment je fais pour être encore en vie : je manque de raffinement, sans doute ; je n’ai pas le bon goût d’incarner mon personnage jusqu’au bout.

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Mais pourquoi donc es-tu si sombre et si farouche ?
Pourquoi ton gouffre a-t-il un cri comme une bouche ?
Pourquoi cette pluie âpre, et cette ombre, et ces bruits,
Et ce vent noir soufflant dans le clairon des nuits ?
Ta vague monte avec la rumeur d'un prodige
C’est ici ta limite. Arrête-toi, te dis-je.

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J’ai repris mes mauvaises habitudes, c’est-à-dire la dispersion, surtout dans la lecture ; j’ai trop d’ouvrages en cours, mais j’aurai pu profiter de cette fin de semaine pour en finir quelques-uns : la victoire est proche (y croire est important). Néanmoins, je réussis à garder le cap pour d’autres choses, comme pour le latin que j’ai repris en début d’année et où je me montre plutôt assidue (je peux écrire des choses comme « La colombe vole vers le laurier touffu »*, qu’attendre encore de l’existence après cela ?), ou encore ce projet de bijou complexe dont j’ai fini le croquis et que je pourrai commencer dès le beau mois de mars qui commence demain (douce idée !). J’ai regardé de jolis films d’animation russes aussi, dont la superbe Rusalka d’Aleksandr Petrov (merci Tumblr), court-métrage muet de dix minutes à la peinture sur verre.

(Cette merveille peut se trouver sur Youtube.)
*Columba ad densam laurum volat.

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Les vieilles lois, les vieux obstacles, les vieux freins,
Ignorance, misère et néant, souterrains
Où meurt le fol espoir, bagnes profonds de l’âme,
L'ancienne autorité de l'homme sur la femme,
Le grand banquet, muré pour les déshérités,
Les superstitions et les fatalités,
N’y touche pas, va-t’en ; ce sont les choses saintes.
Redescends, et tais-toi ! j’ai construit ces enceintes
Autour du genre humain et j’ai bâti ces tours. 

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Je suis donc rentrée de Monaco cette nuit, je pense que j’aurai bientôt plus longuement l’occasion de parler du travail fabuleux auquel ma petite carcasse a aidé à donner un corps pendant deux jours (et à nouveau demain, ce à quoi j’ai du mal à croire du fond de mon lit). L’autre événement de ces derniers jours aura donc été ma brève escapade en bord de mer, tout ça pour finir trempée après un coup de vent un peu plus violent que les autres… mais je ne regrette rien. Je n’avais que peu de temps pour visiter la ville, j’ai juste aperçu de dos le musée Océanographique, construit à flanc de rocher, qui me donne envie de placer ma chambre dans une orientation similaire pour pouvoir me réveiller, travailler, vivre en permanence face aux vagues.


L’architecture de Monaco est vraiment curieuse, et sans doute typique de ces villes qui ont vu leur densité exploser en peu de temps. On zigzague entre les villas Belle Époque et les tours des années 60/70, qui défigurent le paysage montagneux sans pour autant tout lui ôter de son charme. La ville paraît complètement artificielle, alors que son histoire est riche de plusieurs siècles… En tout cas, je ne m’y sens pas vraiment à l’aise. Une incompatibilité de caractères, sans doute.

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Mais tu rugis toujours ! mais tu montes toujours !
Tout s’en va pêle-mêle à ton choc frénétique.
Voici le vieux missel, voici le code antique.
L’échafaud dans un pli de ta vague a passé.
Ne touche pas au roi ! ciel ! il est renversé.
Et ces hommes sacrés ! je les vois disparaître.
Arrête ! c’est le juge. Arrête ! c’est le prêtre.
Dieu t’a dit : Ne va pas plus loin, ô flot amer !
Mais quoi ! tu m’engloutis ! au secours, Dieu ! la mer
Désobéit ! la mer envahit mon refuge !

Le Flot : 
Tu me crois la marée et je suis le déluge.

Victor Hugo, Dans l’ombre.

jeudi 25 février 2016

CCXCI ~ Back To Pagan : invitation et avant-goût

Un peu moins d’un an après le premier défilé de Clara Maeda à Monaco, je m’envole demain pour participer au deuxième… Mais cette fois-ci, nous défilerons également à Paris !


Si le cœur vous en dit et que vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à venir nous voir… Voici la vidéo du spectacle de l’an passé, pour vous donner une idée de la qualité du travail de Clara, de notre coiffeuse Margaux ainsi que de Vanessa et Raoul, nos maquilleurs :


Et pour finir de vous mettre l’eau à la bouche, quelques fragments de robes présentes cette année au défilé, postés par Clara sur son compte Instagram.

samedi 20 février 2016

CCXC ~ La Visionnaire


« Venez-vous pour l’oracle ? » demanda-t-elle d’une voix fluette. « Ne répondez rien ; je n’entends ni ne vois, comme chaque enfant de Python. Approchez-vous, plutôt. »
Mon frère me saisit le bras, et nous nous avançâmes vers la devineresse, qui sortit de son corsage une feuille de laurier et la mâcha lentement.
« Il faut attendre, maintenant.
 — Combien de temps ?
 — Je ne sais pas. Je ne m’en souviens jamais. » 


Elle nous guida d’un murmure distrait vers le salon où les dieux parlaient par sa bouche, immense pièce tendue de soie blanche, où les fenêtres, grandes ouvertes, laissaient passer vent et lumière, et où un chat léchait entre deux frissons de mousseline son long poil de cendre angora. Elle s’assit au centre d’un fouillis de pierres, de plumes et de plantes séchées, et alluma avec une dextérité déconcertante plusieurs couples de bougies.
« Alors c’est tout, nous attendons ? Et les questions que nous voulions poser ? 
— Quelles questions ? Vous ne pensez à aucune question. »
Elle avait raison. Je regardai mon frère ; il s’impatientait. « Allons-nous en », me demanda-t-il d’un geste de la main, et plus son malaise grandissait, plus la prunelle morte de la devineresse semblait s’animer. Elle saisit de la main une coupe où reposaient deux lumignons et l’approcha de mon visage. « Que craignez-vous, si ne croyez pas ? N’êtes-vous pas venus ici pour rire ? Pourquoi ne riez-vous pas ? » Le chat, ronronnant, s’approcha de sa maîtresse, et s’étira près des bougies. Son ombre, immense, se déformait sur les voiles qui ondulaient sous la brise. 


« La gorge me brûle, c’est le signal ! Pour eux, j’ai avalé la feuille sacrée, et maintenant Il s’apprête à parler. Ah ! Sauront-ils, eux, faire chanter le don qui leur sera offert ?
Rien de plus ? Trouver la lyre, est-ce là tout ce qu’il me faut dire ?
Trouver la lyre… Trouver la lyre… »
Elle eut un long soupir secoué de gaieté nerveuse. Son œil noir perdait sa profondeur d’onyx et se ternissait comme un morceau de verre poli.
« C’est tout. » 


Mon frère se leva et partit sans un mot. J’allais le suivre mais me souvins que nous n’avions pas payé l’oracle, et fis sonner de la monnaie dans ma poche.
« Non, dit-elle. J’ai déjà pris ce que je voulais. Vous me donnerez le reste plus tard. »
Elle sourit.
« Vous reviendrez. »
Je m’enfuis à mon tour, bredouillant un mot d’adieu, et me précipitai vers mon frère en riant, la bouche déjà pleine d’injures, mais il m’arrêta d’un regard. Il pleurait. Interdite, je sentis soudain autour de moi l’odeur du miel, j’entendis des cajoleries dans une langue que je ne comprenais pas, et les embruns d’une mer chaude parfumèrent mes cheveux. Alors, je fermai la porte. 


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Stylisme : Voriagh
Maquillage et coiffure : Ouiche Laurene 
Photographie : Charlotte Skurzak

J’aimais bien l’idée d’une Pythie un peu intimiste et pathétique, qui reçoit dans son appartement les curieux et les puissants, qui vit dans un assemblage disparate de minimalisme et de profusion. Je voulais essayer de m’éloigner un peu des lieux communs à la Valéry tout en gardant un parfum lourd d’essences d’oud et de laurier.
Au mois d’octobre dernier, ma vie nocturne ressemblait un peu à ça en fait ; de l’encens, des bougies, des poèmes de Valéry sous le coude et l’intégrale de Daria jusqu’au petit jour. Je crois que cette série de photos a dérivé un peu de ce mélange.

 J’écoutais ça, aussi.

Je regrette rarement les influences des années 1990, mais quitte à ressusciter notre fin de siècle, autant le faire jusqu’au bout.

CCLXXXIX ~ Ärger

Depuis plusieurs semaines dormait dans mes brouillons un billet empli de vaine colère, billet qui devenait de plus en plus confus à mesure que ma colère grandissait. La cause initiale fut des plus banales, en fait ; apprenant la mort de ma publication japonaise préférée (adieu, Cutie ; tout a une fin), j’en profitai pour acheter le dernier numéro de Larme, magazine que j’avais laissé de côté depuis presque un an. L’idée était de le feuilleter tranquillement dans mon lit en écoutant un peu de Mozart et en buvant du bissap, de passer une soirée tranquille donc, mais j’en sortis plus amère que reposée. J’imagine que les engouements passionnés supposent de violentes déceptions, et si vous vous souvenez de ma joie lorsque je découvris les premiers numéros, vous devriez avoir une idée assez juste de mon actuel dégoût.
C’est mon éternelle naïveté, je crois, que d’espérer que de jeunes cultures alternatives puisse naître une force artistique suffisamment puissante pour marquer un tournant dans une époque qui n’a jamais été si malléable, mais je trouverais cela vraiment dramatique de me résigner à chaque jeune pousse en me disant « c’est féminin, centré sur le vêtement et la culture populaire, ça n’a aucun intérêt ». D’un autre côté, s’il me restait, par exemple, encore quelque espoir dans le lolita, il s’est à jamais volatilisé lorsque je tombai par hasard sur un questionnaire culturel qui demandait entre autres le nom du fournisseur de macarons du Marie-Antoinette de Coppola (sans rire). Les incursions de Disney dans ces univers-ci ne me laissent pas vraiment indifférente non plus : bienvenue dans des mouvements qui rejettent la tentaculaire culture de masse pour l’accueillir par la petite porte sans que cela ne semble ni choquer ni alerter qui que ce soit.
Qu’est donc devenue la vocation de Larme à être un artbook, pourtant revendiquée sur chaque couverture ? Exaspérée à chaque fois que je tournais une page, je fus définitivement écœurée après la dernière, après cet agrégat de photographies sans évolution d’une page à l’autre, ces listes de marques qui n’en finissent pas, ces éternels conseils de maquillage qui n’ont plus rien d’original et surtout, surtout, ces minauderies dont on ne parvient pas à sortir… Du creux, le néant ; l’univers féminin n’est pas prétexte à se grandir mais à rester enfermé dans cette complaisance qui ne bouscule ni ne crée. La lectrice de Larme n’est donc pas destinée à réfléchir mais à se languir, créature éthérée qui s’ennuie joliment avec ses semblables dans un univers un peu doux (mais avec un peu de poison quand même, car nous ne sommes pas des anges). La Belle Époque n’est pas loin, n’oublions pas qu’elle s’est achevée dans le sang et… les larmes.
J’ai désormais du mal à voir la scène alternative autrement que comme une halte-garderie de plus petite taille que celle dédiée à la masse. Une sage petite école maternelle où de sages petits groupes s’amusent dans leur coin, avec des jouets un peu différents – raison suffisante pour se croire au-dessus des autres, j’imagine. Pourtant chacun sait, alors que le monde va si mal (lieu commun de l’humanité depuis qu’elle est consciente d’elle-même), qu’un changement pourra difficilement venir de ce qui nous domine aujourd’hui. Dans le monde des arts, cela tient, il me semble, à la fois d’un confortable passéisme et d’un nombrilisme à vomir. Nous n’avons pas réussi à dépasser le malaise expressionniste, et nous passons des heures à nous disséquer, à nous esbaudir devant chaque petite particularité de notre psyché. Dans un monde qui va si mal, la réponse apportée par ce que j’aurais voulu être une nouvelle avant-garde, c’est de chercher le meilleur décor pour sa psyché rêvée. Aesthetics. Pourquoi pas, après tout je suis la première (façon de parler, évidemment) à parler de l’ambiance, à chercher la synesthésie. Mais ici l’esthète subit plus qu’il n’agit, et il devient tristement aisé de faire le parallèle entre des cultures qui se veulent alternatives et le reste du monde comme il va. Les têtes pensantes des mouvements alternatifs dans lesquels j’ai placé tant d’ardeur sont entravées par une logique de consommation typique de l’époque. Quant à leurs muses, elles sont trop occupées à faire de la publicité pour elles-mêmes et pour les autres pour que leur popularité ait vocation à allumer une étincelle de réflexion dans le cerveau de celles qui les admirent. D’où les multiples passerelles entre la culture dominante et les autres… Quand le souffle du génie créatif demeure impuissant, le génie commercial n’a plus qu’à s’engouffrer dans la brèche.
La culture française est morte, mais pas enterrée. J’ai toujours eu foi en sa grandeur, même et surtout maintenant que plusieurs générations lui ont craché dessus et tourné le dos. C’est aussi pour cela que je trouve cela dommage de se contenter d’alternatives japonaises prémâchées (pour ne pas parler des anglo-saxonnes…), alors que nous avons tant de possibilités, à la lumière de notre histoire et de notre art, d’en tirer quelque chose de neuf et de brillant. D’autant que, triste ironie, la plupart de ces alternatives sont elles-mêmes inspirées du mythe de la Française, sinon de la Parisienne. Je rêve d’une muse forte et mystérieuse, engagée et onirique, esprit libre et poétesse, qui de sa plume créera le monde et qui de son envol l’entraînera à sa suite. Si je savais comment me battre pour elle, si moi-même je ne me sentais pas complètement entravée, ma colère ne serait sans doute pas aussi vaine, ni mes billets si répétitifs. L’alarme contre la paresse et l’immobilisme créatifs, c’est une litanie par ici… J’espère simplement que ces petits efforts, ces petits pas de fourmis finiront par payer. J’ai faim de liberté.

mardi 16 février 2016

CCLXXXVIII ~ Ah, ce maudit XIXe siècle…

« Nous trouvons chez Mozart les mêmes principes que chez Monteverdi. Ce qui compte chez lui, c’est toujours le drame, le dialogue, le mot isolé, le conflit et sa résolution, et non une poésie composée comme un tout. Paradoxalement, cela s’applique chez lui non seulement à l’Opéra, mais aussi à la musique instrumentale, qui est toujours dramatique. Chez les compositeurs de la génération d’après Mozart, la musique perd de plus en plus cet élément dramatique, éloquent. Ainsi que nous l’avons déjà dit, les raisons en tiennent à la Révolution française et à ses conséquences culturelles, qui aboutirent à ceci, que l’on mit sciemment la musique au service d’idées socio-politiques. L’auditeur cessait désormais d’être un interlocuteur pour devenir, inondé et enivré de sons, un jouisseur.
C’est précisément là que se trouvent à mon avis les racines de notre incapacité totale à comprendre la musique pré-révolutionnaire. Je pense que nous comprenons aussi peu Mozart que Monteverdi lorsque nous le réduisons uniquement au beau, ce qui, je pense, est habituellement le cas. Nous allons à Mozart pour le plaisir, pour nous laisser charmer par la beauté. On entend sans cesse parler, lorsqu’il s’agit de décrire de belles exécutions mozartiennes, d’un bonheur mozartien ; c’est presque une formule stéréotypée. Mais lorsqu’on y regarde de plus près et qu’on étudie les œuvres pour lesquelles elle est employée, il faut alors se demander : pourquoi bonheur mozartien ? Les contemporains décrivaient la musique de Mozart comme étant extrêmement contrastée, criarde, troublante, bouleversante ; c’est d’ailleurs sur ce point que la critique de l’époque lui cherche querelle. Comment a-t-il donc pu arriver que l’on réduise précisément cette musique au bonheur, au plaisir esthétique ? […] Le plus souvent, nous voulons écouter et vivre quelque chose de précis, à tel point que nous avons perdu l’attitude curieuse de l’auditeur ; peut-être même ne voulons-nous plus du tout entendre ce qui est dit par la musique.
Notre culture musicale doit-elle se réduire à ce que nous cherchions un peu de beauté et d’apaisement après une journée riche en travail et en conflits ? Cette musique n’a-t-elle donc pas davantage à nous offrir ?
Tel est donc le cadre dans lequel se situe la musique éloquente, le discours sonore dramatique : à leur naissance, chez Monteverdi, ils prennent la relève du monde serein de l’art du madrigal. À leur fin, après Mozart, ils sont à leur tour remplacés dans une large mesure par la peinture à plat du romantisme et du post-romantisme. Dans la musique éloquente, en dialogue, il ne s’agit jamais uniquement de beauté sonore ; elle est emplie de passion, elle est pleine de conflits moraux, souvent même cruels, mais qui se résolvent la plupart du temps. Monteverdi disait un jour, alors qu’il devait se défendre contre le reproche que sa musique ne suivait pas les règles de l’esthétique, qu’elle n’était pas suffisamment belle : "Puissent tous ceux qui comprennent la musique repenser les règles de l’harmonie et me croire quand je dis que le compositeur n’a que la vérité comme principe directeur." »

Nikolaus Harnoncourt, Naissance et évolution du discours musical.

(Parce que le style français, c’est bien aussi.)

mercredi 10 février 2016

CCLXXXVII ~ Circé

 

Voilà longtemps que je souhaitais vous parler de Circé ! Circé est une jeune communauté créée par Marie-Elsa F. (et rejointe depuis par trois autres modératrices, dont moi) dont le but est de recueillir les aspects les plus poétiques de la mode urbaine japonaise afin de l’utiliser comme source d’inspiration et de discussion pour ses différents membres. Dépasser le vêtement pour en faire un mode d’expression et non une fin en soi, sortir du cercle de pure consommation qui est souvent le piège des effets de mode ; bref, réenchanter le monde en laissant chanter la silhouette via un courant fédérateur et nourrissant : voici l’objectif de l’enchanteresse qu’est cette Circé de nos années 10.

L’équipe au complet, par Rehem.

Plusieurs sorties culturelles, généralement en lien avec les tendances tokyoïtes, ont déjà été organisées depuis la page Facebook, mais Circé souhaite diversifier encore plus ses activités. Ainsi a été lancé un appel à contributions pour le premier numéro de son futur zine. Un zine (terme certes un peu barbare pour une guerrière de la langue française…) désigne une publication collaborative pouvant contenir textes, photographies, dessins, regroupés autour d'un même thème. L’idée est de réunir des contributions issues de personnes talentueuses et motivées pour faire émerger de la pop culture japonaise une réflexion plus aboutie que le simple plaisir immédiat qu’elle suppose. Le thème de ce premier zine est la magical girl. Que penser de cette figure révolutionnaire du conte d’apprentissage ? Comment interpréter son lien avec les puissances magiques et symboliques ? Telles sont, entre autres, les questions auxquelles Circé vous propose d’apporter vos réponses.


Pour participer et recevoir d'avantage d'informations, envoyez un message à circe.kiruke@gmail.com avec vos noms, prénoms, codes postaux (si plusieurs participants), SNS et un bref texte dans lequel vous présenterez ce que vous évoque ce thème.

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(Si vous me lisez depuis un peu de temps, vous devez comprendre que ce projet me plaît beaucoup. Éternelle litanie sur la vacuité et le manque de réflexion de notre époque, éternel mécompte sur les courants alternatifs qui ne sont, à terme, que des miroirs de la sottise ambiante. Bref, j’espère que Circé vivra longtemps, et ira loin.)

jeudi 4 février 2016

CCLXXXVI ~ Les Bienfaits de la Lune


La Lune, qui est le caprice même, regarda par la fenêtre pendant que tu dormais dans ton berceau, et se dit : « Cette enfant me plaît. »


Et elle descendit moelleusement son escalier de nuages et passa sans bruit à travers les vitres. Puis elle s’étendit sur toi avec la tendresse souple d’une mère, et elle déposa ses couleurs sur ta face. Tes prunelles en sont restées vertes, et tes joues extraordinairement pâles. C'est en contemplant cette visiteuse que tes yeux se sont si bizarrement agrandis ; et elle t’a si tendrement serrée à la gorge que tu en as gardé pour toujours l’envie de pleurer. 


Cependant, dans l’expansion de sa joie, la Lune remplissait toute la chambre comme une atmosphère phosphorique, comme un poison lumineux ; et toute cette lumière vivante pensait et disait : « Tu subiras éternellement l’influence de mon baiser. Tu seras belle à ma manière. Tu aimeras ce que j’aime et ce qui m’aime : l’eau, les nuages, le silence et la nuit ; la mer immense et verte ; l’eau uniforme et multiforme ; le lieu où tu ne seras pas ; l’amant que tu ne connaîtras pas ; les fleurs monstrueuses ; les parfums qui font délirer ; les chats qui se pâment sur les pianos et qui gémissent comme les femmes, d’une voix rauque et douce ! » 


« Et tu seras aimée de mes amants, courtisée par mes courtisans. Tu seras la reine des hommes aux yeux verts dont j’ai serré aussi la gorge dans mes caresses nocturnes ; de ceux-là qui aiment la mer, la mer immense, tumultueuse et verte, l’eau informe et multiforme, le lieu où ils ne sont pas, la femme qu’ils ne connaissent pas, les fleurs sinistres qui ressemblent aux encensoirs d’une religion inconnue, les parfums qui troublent la volonté, et les animaux sauvages et voluptueux qui sont les emblèmes de leur folie. » 


Et c’est pour cela, maudite chère enfant gâtée, que je suis maintenant couché à tes pieds, cherchant dans toute ta personne le reflet de la redoutable Divinité, de la fatidique marraine, de la nourrice empoisonneuse de tous les lunatiques.

Charles Baudelaire, Les Bienfaits de la Lune.

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Photographie, maquillage, stylisme : Alexandra Banti.

lundi 1 février 2016

CCLXXXV ~ Neo-liste de souhaits

Dans un mois, nous sommes en mars, et cet incroyable constat me fait conclure que nous nous trouvons en février, et février, c’est le moment de noter en ces terres les envies vestimentaires qui détermineront les mois à venir – même si ces deux dernières années je me détache de plus en plus de telles considérations, mais enfin, l’exercice reste amusant. Ma troisième liste est loin d’avoir été complétée, mais ce n’est pas bien grave ; concevant de plus en plus le vêtement comme la touche finale à une ambiance particulière, et mes envies d’ambiances se diversifiant et se succédant les unes aux autres de plus en plus rapidement, cette liste n’est désormais que prétexte à parcourir de jolies photos une fois l’an. 

L’Idéal

Néanmoins, si une tendance se vérifie de plus en plus dans mes achats, c’est ma prédilection pour le vieux. Je n’achète des vêtements neufs qu’en de rares occasions (pour soutenir la jeune création, par exemple). L’idéal sera donc de la vieillerie, comme cette vieille Moitié qui me hante, ou du vieux Vivienne pour réaliser ce rêve de gamine d’arpenter les rues du Tôkyô excentrique vêtue entièrement de la griffe anglaise, le tout en fuyant la spéculation, toujours…


La Parure

V. Sabrina, j’en parlais il y a peu de temps. J’aime beaucoup leurs colliers sur le thème du cabinet de curiosité, où un insecte, une pierre, une fleur séchée se trouve au centre d’un médaillon comme lové dans le compartiment d’un placard à merveilles. Même si cette année je veux vraiment privilégier les bijoux que je crée moi-même, je me laisserai sans doute tenter par l’une de ces pièces si j’en ai la possibilité.

L’indispensable 

Elle revient tous les ans, mais bon sang, elle est si difficile à trouver en coton, et j’en ai vraiment assez de manger du polyester à tous les râteliers. Je finirai bien par la trouver (je l’ai changée de catégorie, histoire de forcer ma chance, on ne sait jamais).

La Féérie

Rêve de gamine lié au vêtement numéro xxxxx (?) : les chaussures de Dorothy dans le Magicien d’Oz, merci Syrup. Je n’aime pas vraiment le film, je l’ai toujours trouvé un peu niais, mais à mes yeux ces chaussures sont magiques. Je m’imagine déjà marcher dans la rue avec et faire pleuvoir des livres, des calissons ou des nénuphars.

Le Dessin

La fameuse Mozarabic Chant de Krad Lanrete, l’un des rares imprimés que je connaisse dédié au monde médiéval. Le nom  très apparent de la marque me dérange de plus en plus, mais l’important ici est l’esprit de la chose, non la chose en particulier. J’ai déjà vu des robes des années 1950 portant des motifs de tapisserie assez originaux, peut-être trouverai-je mon bonheur en farfouillant de ce côté-là ?

La Démesure
Boudoir by D'Lish
(Ça se passe de commentaire, on doit m’entendre soupirer jusqu’aux étoiles.)

L’Innocence

J’aime de plus en plus ce que propose Angelic Pretty en dehors de ses imprimés sirupeux, surtout leurs petites robes de jersey. C’est simple, délicat, féminin, mignon sans être gnangnan – la mièvrerie me fait de plus en plus horreur.

L’Indécence      
V Couture
Ce corset me fait de l’œil depuis des années ; le corset me fait de l’œil depuis des années. Aucun de ceux que je possède n’est fait sur mesure, et ça se ressent sur ma morphologie un peu bizarre de poids plume. Je rêve tant d’un beau corset qui me ferait enfin passer sous la barre mythique de la taille de Sissi !

La Contemplation

La présence de Marguerite de Valois dans ce billet tient à ma terrible envie d’acquérir une robe de style Renaissance alors que je n’en trouve aucune qui soit à la hauteur du talent de François Clouet, donc… J’espère avoir le temps de me bricoler une résille pour les cheveux bientôt, le reste viendra plus tard, sans nul doute (toujours garder espoir).

La Folie  
Extrait du dernier magazine Spoon.

Mouais.
Je l’avoue, j’ai un faible systématique pour les robes qui portent Antoinette dans leur nom, c’est terrible. Ou alors j’ai encore la nostalgie de cette incroyable meringue rose portée pendant le défilé Baby l’an passé. Peut-être un peu des deux.

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Bref, les vêtements, c’est chouette.
(Et en 2016, j’ose aussi terminer mes articles sur des lieux communs éculés.)
Transparent White Star