jeudi 24 juillet 2014

Go go Japan 2.0 : 花 の ダイアリー 2014! #1 (le journal 2014 de Hana au Japon #1)

(Tu voulais voir les nuages, et bien tu verras les nuages.)


[Retour, inattendu il y a quelques mois seulement, du journal de bord de mon séjour au Japon ; je l’organiserai différemment cette fois-ci pour éviter les doublons avec les articles de l’an passé, et privilégierai plutôt les comptes-rendus en fonction des lieux visités que des dates, quitte à me permettre quelques brisures temporelles de temps à autre.
Voilà, c’était l’introduction fascinante du moment.]

Alors que cela faisait deux jours que je foulais pour ma seconde fois la terre tokyoïte, il était déjà temps de repartir pour un peu de grimpette. J’avais réservé une place dans un groupe pour gravir le mont Fuji voilà quelques semaines ; je ne suis pas friande des voyages organisés, mais en bonne montagnarde novice la présence d'un guide me paraissait plutôt rassurante. S’y prendre à l'avance semble indispensable car les places sont chères et l’on n’a pas toujours le choix de la date. Une randonnée de plus de 15 heures à peine remise de mes 13 heures de vol, idée fantastique, mais au diable mes appréhensions ! Je suis jeune et en bonne santé, à ce qu’on m’a dit.

Réveillée dès cinq heures du matin afin de finir de préparer mon sac, je sentais l’excitation et l’appréhension monter lentement le long de ma gorge. Le point de rendez-vous se trouvait à Shinjuku une couple d’heures plus tard, et pour une fois je ne suis pas arrivée en retard… 
Le trajet durait suffisamment longtemps pour prendre un peu de repos, malgré monsieur le coordinateur de randonnée (je ne sais toujours pas en quoi ce rôle consiste, en fait) qui passait son temps à nous raconter micro à la main mille et une choses fascinantes, comme quelques considérations sur la taille de sa boisson Starbuck  à la fraise (idéale pour se rafraîchir, apparemment. Merci monsieur le coordinateur). Notre groupe eut quartier libre pour acheter souvenirs et nourriture avant la randonnée ; pour ma part je me suis précipitée sur un bâton de pèlerin en bois sur lequel on pouvait apposer un timbre pyrogravé à chaque étape moyennant quelques centaines de yens. Je me suis ruinée là-dedans, mais il me les fallait tous, évidemment. Mon côté dresseuse de Pokemon qui ressort, j’imagine.
(J’ai également croisé un nid d’hirondelle, avec un oisillon qui sortait son petit bec pour réclamer de la nourriture…)

La bête.
L’ascension se déroule en plusieurs parties. Notre car nous conduisit jusqu’à la cinquième étape, qui se trouve à un peu plus de 2300 mètres. De là, nous en avions pour 5 ou 6 heures de marche avant l’étape intermédiaire, où nous attendaient un repas chaud et un sac de couchage pour dormir un peu (vers 2900 mètres d’altitude). Ensuite, nouveau départ à 22 h 30, pour encore 5 ou 6 heures de marche avant le sommet et le cratère (plus de 3700 mètres), puis la descente (et 4 heures de marche pour celle-ci).




C’est avec le sourire que tout commença, malgré la brume qui empêchait de bien apprécier le paysage environnant. Pour autant, se sentir grimper au milieu des nuages a également beaucoup de charme. L’univers est blanc ou gris, et l’on ne voit plus ni le ciel ni la terre, juste le chemin à suivre. Un monde ascétique, donc.
Au fur et à mesure que l’on avance, on sent l’air se refroidir un peu et le vent devenir de plus en plus puissant, mais rien de bien insoutenable avant notre halte de mi-parcours. Cette fraîcheur est même bienvenue après la moiteur tokyoïte. Notre traducteur, Take, nous avait prévenus qu’il serait sans doute impossible de faire le tour du cratère une fois arrivés au sommet à cause de la neige ; nous parler de neige en plein mois de juillet à Tôkyô ! Quel est donc ce concept improbable que celui de neige dans le Japon estival ?

Allons allons, fainéants.

Quoi qu’il en soit, c’est avec bonheur que l’on voit le gîte se rapprocher, et les pyrogravures s’amasser sur le bâton de pèlerin. Vers 17 heures, j’ai enfin pu avaler mon premier vrai repas de la journée ; rarement omelette m’aura paru si savoureuse. Et sac de couchage si confortable.
L’ambiance dans le groupe était plutôt bonne. On entendait toutes sortes de langues et d’accents, de l’allemand, de l’espagnol, du québécois, de l’anglais (évidemment, nouvelle langue universelle), quelque chose qui ressemblait à du serbe, du suédois (je crois…), du chinois…J’ai bêtement joué les fangirls sur deux jeunes gens qui se sont rapprochés pendant notre parcours, et qui étaient absolument adorables ensemble. Je les imaginais déjà se souvenir de leur première rencontre plusieurs décennies plus tard, tu te souviens, au mont Fuji… des étoiles de leur amour naissant au fond des prunelles (oui, achevez-moi s’il vous plaît).
Bon, et sortie de groupe oblige, j’ai aussi eu droit aux gros ronfleurs dans le dortoir. Mais qu’importe.

Omelette du fromage. Et ma soupe miso a des yeux.
Notre seconde sortie a été le moment favori de ma randonnée. Le ciel nuageux oscillait entre plusieurs nuances de noir profond et de gris sombre qui s’entremêlaient en de subtiles volutes d’encre à la lumière de nos lampes-torches, comme un négatif de cette peinture chinoise que j’aime tant.

Yu Jian, Village dans la brume.
Je ne faisais même plus attention à mon corps et aux efforts que je faisais pour grimper tant j’étais absorbée par ce paysage ou plutôt par cette absence de paysage, le direct opposé de ce coucher de soleil flamboyant de Bretagne durant lequel je m’étais baignée au mois de juin ; une autre sorte d’océan composé de nuages et de néant.
Par moments je pensais au Purgatoire de Dante, j’imaginais cette montagne comme celle que gravissent les pécheurs dans l’espoir de leur rédemption, où les fragiles lueurs que transportent les hommes en quête du fameux lever de soleil se confondent avec celles, plus éthérées, des âmes repenties en quête d’éternité. Le silence dans lequel nous étions plongés, parfois troublé par les morsures erratiques des bourrasques de haute altitude, invitait à rentrer en soi, et si le vent asséchait mes larmes avant qu’elles ne roulent le long de mes cils, mon cœur, lui, battait au rythme d’un délicieux sanglot.

En revanche, la dernière partie de la montée fut terrible. Je vacillais sur mes jambes à cause du vent glacial que quatre couches de vêtements ne parvenaient pas à freiner. L’effort, la fatigue, la légère peur du vide, tout me paraissait insupportable, mais, mais…








…difficile de dire que ce bref désespoir n’en valait pas la peine. Je passerai donc sous silence l’agonie de la descente pour ne pas gâcher la magie de ces quelques photos-souvenirs. 

Je me suis même acheté un fuji-pudding pour fêter ça.
Et parce que même à 3000 mètres d’altitude, ton bâton de pèlerin peut être kawaii.

10 commentaires:

  1. Waow ! J'ai très envie de faire l'ascension depuis un bon moment mais à chaque fois je m'en empêche à cause de mes problèmes de coeur ! En tout cas ça me donne encore plus envie.

    Les paysages sont absolument superbes, c'est incroyable. Je trouve - mais ça doit être mon état d'esprit quand je suis au Japon ; que les paysages de ce pays dégagent une certaine mélancolie, ça doit être l'éloignement géographique avec le décor de mon quotidien, ou tout simplement ce qui se dégage de ces endroits qui me touche autant.

    Et le bâton de pèlerin est définitivement trop mignon. Vivement la suite de ton périple !

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    1. Je ne sais pas à quel point tes problèmes de cœur sont graves, mais si c'est gérable au quotidien un peu d'entraînement est suffisant pour tenter l'expérience je pense. J'ai trouvé l'ascension très éprouvante, mais je partais sans préparation préalable et je ne suis pas très endurante, donc...

      Je trouve également ces paysages très mélancoliques ; durant la première partie de la nuit de l'ascension, les nuances anthracites du ciel éveillaient des rêveries lointaines et nostalgiques ; je ne suis même pas sûre que ces rêveries étaient vraiment miennes, mais la sensation fut tellement puissante !

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  2. Je suis heureuse de lire que malgré tes appréhensions, et les quelques désagréments du parcours, tu as pu apprécier cette randonnée, ainsi que toute sa portée spirituelle. Ton évocation du paysage m'a rappelé le lointain souvenir d'une de mes propres ascensions, de la Soufrière en Guadeloupe. Le ciel y est rarement dégagé, et la marche se fait souvent dans une purée de pois nuageuse très dense. Mais cela donne un charme certain au paysage, en effet.

    J'aime ton bâton de dresseuse de Pokémon, ou plutôt de dompteuse du Mont Fuji ;) Je te souhaite de profiter de la suite de ton voyage :)

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    1. Ce que tu écris me donne encore plus envie d'aller visiter les Antilles un jour ! c'est amusant, car c'est une partie du monde qui ne me tentait pas particulièrement avant que je ne rencontre des personnes qui y ont vécu ou qui y sont parties ; leurs souvenirs me font toujours rêver. Même celui d'une ascension au milieu d'une purée de pois.

      Dompteuse du Mont Fuji, ça me va xD

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  3. Ca ne vaut pas le quart de l'expérience vécue, mais tes photos les plus abstraites en donnent néanmoins un chouette aperçu ! Et merci de toujours prendre le temps d'écrire (bien !) sur ce blog, de ne pas se limiter à l'image malgré l'importance énorme du visuel dans énormément de billets de ces terres.
    Maintenant je veux savoir : y a t'il, ou n'y a t'il pas, un distributeur quelconque au sommet de Fuji-san ?

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    1. J'en ai vu un. Vraiment. Japan. Truly.

      Du coup j'ai quelque peu arrêté d'écrire ces dernières semaines, mais je vais me reprendre en main xD Je me faisais la même réflexion sur l'importance démesurée du visuel sur le Net depuis quelques années, je suis contente de suivre quelques blogs où les auteurs apportent du soin dans leur forme d'écriture, et ne se servent pas des mots simplement pour combler un vide ou deux....

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  4. Félicitations !
    J'imagine l'excitation et l'appréhension mêlées avant et pendant cette fabuleuse ascension, ce doit être unique et magique.
    Cela me rappelle puissance -10 mon ascension du Arthur's Seat à Edimbourg, malgré la douleur l'envie de toujours monter plus haut nous fait avancer et oublier notre corps.
    Bref, tu me donnes vraiment envie de gravir les montagnes et de faire de la randonnée !

    Bonne suite de ton voyage, j'ai hâte de lire la suite de tes vacances.
    Bisous

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    1. Te relire me redonne envie de faire des randonnées, à vrai dire xD L'oubli du corps qu'apporte ce genre d'expérience est vraiment une sensation particulière !
      Et il faut que j'aille en Écosse, aussi.

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  5. Tu es courageuse! Ton aventure me donne presque envie d'essayer de gravir moi aussi le Mont Fuji si j'en ai un jour l'occasion!
    Ton fangirlisme m'a fait sourire, j'imagine bien un couple de vieillard dire la voix tremblante d'émotions ce "tu te souviens, au mont Fuji…" XD
    Rien qu'en voyant tes photos au dessus des nuages le paysage est magnifique alors je ne veux même pas imaginer en vrai! Ton bâton de randonnée est adorable tout autant que ton Fuji Pudding!
    Je suis contente que tu aies pu vivre et apprécier cette expérience unique!

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    1. J'espère que tu en auras l'occasion, l'ascension est vraiment éprouvante mais elle donne des souvenirs qui restent toute une vie, je pense.
      Exactement xD Je suis une éternelle romantique pour la vie amoureuse d'inconnus que je ne reverrai jamais ! (et je me sens moins seule du coup xD Merci jolie Misato !)
      Merci beaucoup pour ton commentaire <3

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