vendredi 22 avril 2016

CCCII ~ Fontaine, toujours je boirai de ton eau.

Mistral préparait le terrain, disais-je voilà bien longtemps déjà (remerciez une connexion capricieuse) : c’est qu’avec les beaux jours la volupté du voyage est revenue, et en plus par des voies déjà chéries depuis longtemps. Revoici la Provence, avec cette fois-ci l’agrément des parfums du printemps (les premières glycines) !

J’ai passé un temps fou à essayer de prendre un bourdon en photo, ne restent que les fleurs – c’est déjà bien.
L’impasse des Fleurs la bien-nommée.
Ces deux jours passés dans le Sud avec la Hasbyn Quyn et son ॐ m’ont permis de m’approcher un peu de la montagne Sainte-Victoire, emblème des vacances lorsque j’étais minaude – noon, ne faisons pas comme si nous parlions le provençal… – mais que je n’avais jamais observé de plus près que par la fenêtre de la voiture familiale ; j’ai donc eu l’occasion, sur mes talons de douze centimètres (eh ! le goût du risque, mes amis), d’aller saluer un mythe et même de crapahuter à côté.


Les montagnes provençales m’émeuvent ; elles n’ont pas la grâce des grands pics, mais tout autant de majesté. Cabossées, arides, elles me donnent l’impression de cacher dans leurs méandres quelque secret primitif que l’on ne peut soupçonner que dans l’admiration ; un peu comme chez de très, très vieilles femmes…
(Et je comprends mieux, désormais, l’obsession qu’avait Giono avec le mot « craie » – au moins une fois par page dans Le Hussard, j’aurais dû tenir des comptes. Ciels de craie, écorces de craie, collines de craie : la nature draine ici des parfums de calcaire mêlés d’amande.)

Mais si je commence à connaître cette Provence sèche qui nourrit mes rêveries depuis l’enfance, entre Méditerranée et garrigue, j’ai pu découvrir cette fois ses rivières et sa fontaine ; Fontaine-de-Vaucluse, tout particulièrement, Fontaine et son moulin à papier, ses fantômes littéraires du Quattrocento et surtout son eau. C’est la Sorgue qui naît ici, la Sorgue et tout son nuancier féerique.


La rivière est totalement limpide, cristalline ; les couleurs ne naissent que de la terre, des algues et de la lumière, d’où ces jeux incessants de turquoise, de gris, d’or dans les verts et d’argent dans les bleus. L’eau ne se révèle que dans le bouillonnement des cascades, c’était fascinant, d’ailleurs, de la voir subitement s’animer juste avant la chute, comme si le miroir face auquel on se trouvait décidait tout à coup d’ondoyer et de serpenter un peu plus loin, emportant avec lui reflets et clarté.

Au pied de la maison de Pétrarque, et justement, en parlant de Pétrarque…
« Plusieurs fois (qui voudra m’en croire maintenant ?) je l’ai vue vivante dans les ondes limpides, et sur l’herbe verte, et dans le tronc d’un hêtre, et dans la blanche nue, si accomplie, que Léda aurait avoué la déchéance de sa fille, devenue comme l’étoile que le soleil efface sous un de ses rayons, et plus sauvage est le lieu, plus désert est le rivage où je me trouve, plus belle ma pensée la figure. Puis, quand la réalité dissipe cette douce erreur, au même endroit je m’assois encore tout glacé, et comme une pierre morte sur la pierre vive, dans l’attitude d’un homme qui pense, qui pleure et qui écrit. »
Canzone CXXIX, De l’absence.

Ce vert citron est irréel.
Pas un nuage, pas une ombre dans le ciel ce jour-là, seuls des avions, de temps en temps, qui déchiraient l’azur d’un trait de coton, tels des poissons qui fendraient la mer pour en border les plaies d’écume. J’étais bien songeuse, ma glace à la lavande dans les mains. J’essayais d’imaginer le village des décennies auparavant, entre les artisans du papier et les lavandières, le parler et les paysages ; rien à voir, donc, avec ces bouis-bouis pour touristes qui bordaient la Sorgue, et je ressentis à nouveau cette curieuse nostalgie des temps que je n’ai jamais connus et que je ne connaîtrai jamais. Sans doute donne-elle plus de saveur encore aux instants que l’on vit, car elle montre, par un jeu de miroirs d’une autre nature que celui des eaux, qu’ils sont eux aussi uniques et incessibles.

(Pas forcément à propos, mais enfin.)

Nous nous sommes ensuite rendus à Gordes (ici, si vous voulez avoir une idée du panorama qui m’a coupé le souffle en arrivant, même si évidemment aucune image ne pourra jamais lui rendre justice).

En tout cas, on sait s’amuser, là-bas.

Encore toute engourdie de Fontaine, je n’ai retenu que peu de choses de cette visite, sinon la vue, les pierres et les iris. C’était intéressant de voir que les bâtiments administratifs modernes ont été construits dans un style architectural proche du vieux village, afin de ne pas en dénaturer la beauté. Quant aux iris… Je ne pensais pas en trouver autant dans le Sud, moi qui leur voue une insatiable passion ces dernières semaines.

Cette photo est bizarrement cadrée juste pour montrer cette verrière à droite que je veux reproduite à l’identique sur ma future maison à flanc de falaise au bord de la mer, merci.
Fontaine et son eau, Gordes et sa pierre, Roussillon et sa terre (Roussillon que nous avons simplement traversée en voiture, mais dont la couleur des maisons rappelle les ocres sur lesquels elle a été construite) ; seuls une dizaine de kilomètres sépare ces villes, et pourtant trois ambiances complètement différentes s’en dégagent. Quelle richesse ! La distance ne contribue que peu à la magie d’un voyage finalement, et il me tarde d’accomplir tous ceux qui se profilent ces prochains mois, en France ou à l’autre bout du continent…

1 commentaire:

  1. Il y a une Photo Sphere du panorama à Gordes, sur Google map:

    https://www.google.fr/maps/place/84220+Gordes/@43.9084815,5.1978348,3a,75y,76.88h,81.73t/data=!3m8!1e1!3m6!1s-ZJ2Gc-Tp8Fc%2FVeYaEpi7v1I%2FAAAAAAAAyWA%2FyahAPx-Th1g!2e4!3e11!6s%2F%2Flh3.googleusercontent.com%2F-ZJ2Gc-Tp8Fc%2FVeYaEpi7v1I%2FAAAAAAAAyWA%2FyahAPx-Th1g%2Fw203-h101-n-k-no%2F!7i10240!8i5120!4m2!3m1!1s0x12ca0dc30dc4b6cd:0x6cf8370fce926027!6m1!1e1

    L.N.A.

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