mercredi 22 juin 2016

CCCXIII

Chaque veille d’anniversaire, lorsque je me penche sur l’année passée pour me rendre compte de l’étendue du gâchis, les moments qui se détachent le plus des autres sont presque toujours ceux qui se sont le plus imprimés dans mes sens, à défaut de ceux qui marquèrent une rupture ou un avancement dans la vie « effective ». Je compte les années de cette façon. Je me rappelle « l’année où il a neigé sur la plage en Normandie » (mes 14 ans) « l’année où j’ai dormi dans cette vieille auberge de Bourgogne aux lourds rideaux roses qui sentaient la lavande » (mes 17 ans), « l’année où je regardais la lumière du Soleil colorer les murs en rose en buvant du thé » (mes 24 ans).  Si l’année est bonne, je possède plein de repères de ce type, si elle est mauvaise… peu, sinon aucun, pour les plus noires d’entre elles. J’ai toujours accordé de l’importance à ce genre de petits détails, quitte à remplir des carnets entiers de phrases insignifiantes (aujourd’hui, une coccinelle s’est posée sur ma main). Et, évidemment, je dévore avec entrain toute littérature de ce type, comme les Notes de chevet de Sei Shōnagon, par exemple. Je me verrais bien écrire quelque chose comme cela un jour, une sorte d’almanach de sensations un peu romancé (encore quelque chose à rajouter à cette longue liste de pièces écrites commencées et jamais achevées.)
Je réalise aujourd’hui que cette entrée dans le quart de siècle n’a pas été le complet gâchis que je me figure habituellement, malgré (toujours… !) le manque de talent, de discipline, de temps. Je pourrais lister des dizaines d’instants de grâce datant de mes errances en Provence ou dans le Marais poitevin, de ces nuits blanches automnales à essayer d’écrire, des réveils face à un arbre en fleur, de la solitude, des lectures… C’est un bon début. Mais j’espère tout de même que pour mes 26 ans (nombre que j’aime bien parce qu’il me fait penser à de Vinci) j’aurai suffisamment de volonté et de force pour être tout autant satisfaite du spectacle des petites choses que de mon propre travail.

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