lundi 3 octobre 2016

CCCXXXI ~ Celle qui s’en va.

« Sur les ciels verdissants d’automne, ces ciels de turquoise malade*, striés de jaune et de pourpre, qui sentent déjà le froid, le vent et l’hiver, sa fine silhouette de voyageuse évoque des regrets d’intérieur, de tendres exils à deux dans des climats plus chauds, parmi les orangers de quelque invraisemblable Bordhighere, loin de Paris, de ses boues et de ses rumeurs factices, de ses succès surfaits, de ses scandales d’un jour ! Oh ! Les rêves de sweet home et de sweet heart qu’éveillent dans notre âme ses yeux changeants, comme la mer sous la pluie, ses yeux gris et verts, limpides entre leurs longs cils noirs.
Et, en effet, qu’elle soit brune ou rousse, qu’elle ait la nuque duvetée et savoureuses des blondes, où du soleil semble s’être pris aux fils ténus d’un réseau d’or, ou qu’elle soit casquée d’ombre et de nuit par de lisses bandeaux noirs, celle qui s’en va a toujours ses inoubliables yeux couleur de vague sous l’orage, des yeux qui semblent avoir pris aux embruns, aux horizons de mer et aux grèves lointaines, leur profondeur et leur grisaille fugitive, cette nuance de perle illusoire, attirante, la nuance même de l’infini. »

Jean Lorrain, « Celle qui s’en va » in Âmes d’automne.

* Cette image est la perfection même.

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