dimanche 22 décembre 2013

CXXXIII ~ I heart old and new Dolly kei


Les lumières de Noël ont beau se faire de plus en plus vives, je n’arrive pas du tout à me mettre dans l’ambiance festive « classique » cette année. Un parfum de mysticisme flotte encore dans les airs, les feuilles d’automne ne sont pas toutes tombées, le vent est doux et humide… et mon cœur bat fort pour le dolly.

J’ai réalisé qu’après avoir blablaté sur le sailor lolita, le cult-party, le mori et aussi l’otome, je n’ai jamais parlé du dolly, qui est pourtant un style que j’apprécie particulièrement, surtout lorsque, comme en ce moment, j’ai des envies de lune et de pierreries.

Comme les autres, c’est un style issu de la mode urbaine japonaise, et plus précisément tokyoïte, basé dans un univers ancien et féérique. Apparu après le mori, il prolonge l’aspect hors du temps et de la société de la fille des bois, en reprenant sa silhouette faite de couches de vêtements superposés, mais lui ajoute une dimension plus occulte avec des matières nobles comme le velours, les vieilles dentelles et les pierre fines. Si la mori est la dryade, la dolly est la sorcière, l’obscure marchande de grigris qui s’enfonce dans la forêt pour y concocter des philtres mystérieux. Son nom, dolly, vient de la volonté de ressembler à une antique and vintage doll, celle qui vous fixe de ses yeux de verre et dont les jupes jaunies par le temps embaument d’un parfum suranné, inquiétant et fascinant à la fois.

Si le mori est souvent associé à un mode de consommation plus éthique, un retour à la nature dans un environnement urbain de plus en plus oppressant, le dolly est avant tout un manifeste esthétique. Le mouvement plonge ses racines dans les contes européens, la rêverie médiévale, le fantasme de la bohémienne ; on n’y cherche pas tant une réalité historique qu’un moyen de donner vie à un mythe. « [I want] girls to wear these clothes so they can change and transform into something else. », « When you open the pages of the book, the different pages show various magic tricks. We hope people can have a different scene or experience (every time they come to our store), and we hope we can make more dreams. » explique Hitomi Nomura sur Tokyo Fashion. La liberté de création de sa propre silhouette est alors presque sans limites, pour peu qu’elle s’inscrive dans cet univers Grimmo-médiévo-rennaissanço-fantasmagorique (je suis très fière de ce barbarisme, merci).

À l’ouverture par Hitomi Nomura de la boutique Grimoire vers 2009/2010, fer de lance de la mouvance dolly, les silhouettes que l’on identifiait à cette esthétique étaient toutes très chargées. Autour de la pièce principale, généralement une robe longue de couleur tranchée comme un beau bordeaux ou un vert sapin, on retrouve d’imposants accessoires de tête, des châles, des collants à motifs, peut-être aussi une superposition de jupes et de blouses, des cols amovibles… On privilégie ici le vintage, parfois morbide (fourrure, ossements…) et l’aspect usé des vêtements.




Intérieur de la boutique Grimoire.
La boutique Grimoire elle-même est le modèle de ce que l’esthétique dolly peut donner appliquée à la décoration. Pour avoir eu la chance d’y aller, j’y ai entendu des chants folklorique, senti un parfum de patchouli et de papier d’Arménie, et plissé les yeux dans une lumière tamisée : ce n’est pas juste une énième boutique vintage, avec vêtements étalés en vrac sans lien les uns avec les autres, tout est travaillé, que ce soit dans la présentation que dans le choix des vêtements, tout est cohérent, et c’est un très beau faux-fouillis, totalement hors de la vie tokyoïte.
Au fil du temps, Grimoire a également créé sa marque, Verum, qui produit collants et chaussettes, faux-tatouages, coques de téléphone, et même un parfum… s’imposant définitivement comme centre névralgique de vente et de création pour ce style. Deux ans après son ouverture, Grimoire ouvre une seconde boutique, Almadel, toujours à Tôkyô.

La mode actuelle du vintage (terme souvent galvaudé aujourd’hui, d’ailleurs), le fantasme (peut-être rassurant) d’une Europe rêvée, féérique, qui se retrouve dans de nombreux styles urbains japonais (que dire du lolita !) ont sans doute aidé à populariser le style. Les lolitas occidentales, d’ailleurs, ont allègrement pioché dans l’esthétique et les racines du dolly pour insuffler un peu de profondeur à un lolita qui devenait de plus en plus pop et superficiel. Et, au fur et à mesure, le dolly a perdu en excentricité. Il s’est assagi, devenant plus facile à porter dans la vie de tous les jours, et par là-même, plus populaire.



La silhouette est beaucoup plus classique et les couleurs se sont progressivement éclaircies. Le côté antique se ressent toujours malgré tout, mais plus dans l’aspect jeune fille rêveuse qu’apparition de conte de fées, et les tenues plus chargées se retrouvent surtout pour les occasions spéciales (comme les soirées anniversaire de la boutique, où les vendeuses et les amoureuses du style rivalisent de fantaisie et d’élégance).
Pourquoi pas, d’autant que l’on peut difficilement être en permanence en représentation extravagante et fantasque, arriver à un compromis avec le monde extérieur n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Contentons-nous de rêver lorsque nous le devons pour mieux nous révéler ensuite, le tout étant de ne pas s’arrêter simplement au rêve, pour l’apparence comme pour tant d’autres choses (du dolly aux grandes réflexions sur la vie, l’amour, la mort, il n’y a qu’un pas).

De l’influence du dolly dans le lolita.
Je suis très curieuse de voir comment ce style va évoluer, ses influences sont tellement riches que je pense qu’il peut donner plusieurs rejetons intéressants quant à la silhouette et à la matière, dans tous les sens possibles du terme (ou du moins beaucoup d’entre eux). 

Quelques liens supplémentaires : 
dolly-kei, un Tumblr avec plein de belles images
la communauté Live Journal
un article sur le sujet du blog de dollymacabre, une dolly européenne dont le blog est très complet sur le sujet (tutos, nouveautés Grimoire etc.)
et le site de Grimoire

(Toutes les images ont été glanées sur Tumblr et sur le blog de Grimoire, sauf mention contraire.)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Transparent White Star