mardi 26 mai 2015

CCXXXII ~ Ophélia – premier chant



Mon père, un matin, m’entretint en ces mots : « La femme cache dans la rondeur de son ventre un trésor que tout homme désire, mais une fois ravi, le ventre ne vaut guère mieux que chair morte, et ainsi s’évanouit l’honneur d’une vierge. Garde-toi de la Lune et du Soleil, ne suis que l’ombre de ma main, et tu seras digne de ton rang ». Quelle jeunesse ne craindrait de s’éteindre avant la première nuit d’amour sacrée… ! J’étouffai alors les candides pensées qui fleurissaient sur mes lèvres, et cachai dans un tiroir les missives d’un prince épris, qui écrivait pour moi seule ses mélancolies et ses espoirs secrets. J’attendrai, me disais-je, l’instant où l’ombre paternelle me pousserait enfin vers l’étreinte dont le désir lentement rosissait mes joues de lait… Et mes journées, longues, ternes,  se perdaient en rêveries.


Mais… ! À trop me méfier des astres, j’oubliai de me méfier des miens. L’amant, fou et menteur, anéantit d’un mot mes chimères ; un feu moqueur dévorant ses yeux, il attrapa mon visage et y cracha un venin qui, brusquement, consuma mon cœur et ma foi.
Je cueillis le chèvrefeuille et la violette, les nouai dans ma chevelure, et m’en fus chanter ma triste ballade par le monde, dans les chambres du château, face aux remparts, et jusque dans la forêt. Je chantais la loi des hommes qui s’abreuve dans l’innocence, qui prend, dispose et rejette, je chantais les vierges brisées, la vieillesse précoce qui glace le cœur et les hanches, l’éternité qui griffe dans les derniers souffles la chair repentante…et je glissai dans l’eau. Mon voile m’étouffe et je me noie ; « Pauvre Ophélia », regretteront les âmes que je croisai. On me dit déjà folle comme toi, ô cruel ami ! Et je sens ton crâne peser à mon côté, alors que l’air que j’exhale fuit l’onde qui m’entrave. Comme le sort semble funeste à ceux qui veulent fuir ! La seule liberté, pour un cœur palpitant, devient le silence du sépulcre.

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Dur, dur de s’attaquer à un monument comme Ophélia. Tant de choses ont été écrites, peintes, dont certaines si proches de la perfection que toucher au mythe en deviendrait presque sacrilège. Mais enfin ! Il est toujours permis de s’amuser un peu. Et passer ces deux heures dans une baignoire en compagnie de Charlotte fut un vrai plaisir. 
Voici donc la première partie de notre contribution à la montagne d’Ophélias qui dorment dans l’imagination des rêveurs. 

D’ailleurs, Charlotte a lancé hier son Tumblr de modèle, n’hésitez pas à vous y promener !

8 commentaires:

  1. Magnifique ! Très belles photos, et un texte qui donne des frissons tellement c'est beau. Bravo <3

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    1. Merci beaucoup, venant de toi ces mots me touchent vraiment.

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  2. Ah punaise !! C'est vraiment sublime ! Ce côté photo post-mortem qui contraste avec ces fleurs fraîches, c'est superbe ! Non vraiment, merci de me mettre ainsi des paillettes dans les yeux et bravo à vous deux *^*

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    1. Et merci pour ton commentaire qui me donne à mon tour des paillettes dans les yeux ç_ç

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  3. C'est un sujet qui fait rêver, souvent le premier contact avec les préraphaélites ceci dit je reconnais que je n'ai jamais cherché à connaître leurs inspirations à la source. Les accessoires sont bien choisis en effet, l'eau étant souvent mouchetée (des larmes d'Ophélia ?)

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    1. Voir des larmes dans le linceul est une image romantique... qui me plaît bien.

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  4. Heureusement qu'on peut encore se permettre de s'amuser en toute liberté ! ;)
    Cette collaboration n'en demeure pas moins magnifique ! *__*

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    1. Ravie que les deux chants te plaisent ! On a mis du cœur à l’ouvrage !

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