samedi 2 janvier 2016

CCLXXVII ~ Et de mon âme je ferai une cathédrale.

La fin du mois de décembre m’a toujours fait songer à un abcès qui crève, dans son flot de ripailles, de dégoulinante hybris, de secrètes immondices ; quelle satisfaction lorsque le couperet du jour de l’an tombe enfin, achève l’ignoble goule, et que ressurgit la page blanche où tout reste à dessiner. 

Odilon Redon, Bataille d’ossements.
La Saint-Sylvestre me paraît un élan, un repli avant le bond qui mènera plus loin encore que tout ce qui fut accompli, porté par une vague qui noie l’existence passée dans l’obscurité de l’abysse. Cette froide nuit est un passage bienfaisant, qui donne aux âmes fatiguées le moyen de se tenir à nouveau debout, ne serait-ce qu’un peu : voici venue l’année nouvelle, il sera toujours temps de mourir plus tard ! Et s’il est évidemment difficile, lorsque l’on se sent fourmi, de rassembler une dernière fois ses forces, d’oser penser que cette chance sera la bonne, de sentir ce sang neuf couler dans ses veines, cette illusion de puissance qui n’en est peut-être pas une, y croire juste un peu devient peut-être la première pierre de l’édifice qu’il convient de construire.

À travers les vapeurs de mon thé, je vous souhaite, à tous, une excellente année.

4 commentaires:

  1. M'a fait penser au « tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ».

    Comme nous avons droit aux documents:

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_%28ap%C3%B4tre%29
    S'appelant initialement Symon ou Simon, Jésus lui donne le nom de Simon Kephas (grec Σιμων Κηφᾶς Simōn Kēphas ; araméen Šimʻōn Kêfâ ; syriaque Sëmʻān Kêfâ), d'après son surnom araméen hellénisé Kephas - également orthographié en français Cephas ou Képhas - , qui signifie « le roc ». Selon l'évangile attribué à Matthieu, Jésus, à partir de ce surnom, fait un jeu de mot par paronomase d'où viendrait son nom dans l'espace gréco-latin Pierre (Petros ou petra en grec, ou Petrus en latin) : « Pierre (Kephas), tu es roc (grec petros) et sur cette pierre (grec petra) je bâtirai mon assemblée (ekklésia, « assemblée » donne Église) ».

    Ce surnom semble souligner un trait de caractère marquant de ce disciple qui tient une place prééminente dans le groupe des douze apôtres de Jésus, aux côtés de deux autres « colonnes », Jacques le Juste et Jean de Zébédée. Il renvoie dans la culture araméenne aux notions de rocher de fondation, et/ou de solidité, de dureté ou d'inflexibilité.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Rocher_de_la_Fondation
    Le Rocher de la fondation (hébreu : אבן השתייה Even hashtiya « La pierre d’assise ») est la pierre d’assise du Saint des Saints des Temples de Jérusalem. Lieu le plus saint du judaïsme vers lequel sont orientées les prières, il est identifié par le Midrash au site de la ligature d’Isaac et est considéré comme le point de jonction spirituelle entre les cieux et la terre.

    Bien que sa localisation exacte soit matière à controverse, une opinion répandue l’identifie au Rocher (arabe As-Sakhra) situé au cœur du Dôme du Rocher. Celui-ci, vers lequel les musulmans se prosternaient également aux tous premiers temps de l'Islam, serait l'endroit où le prophète Mahomet est monté au paradis lors de Isra et Miraj, emporté par sa monture Bouraq. Il est également connu sous le nom de Pierre percée car une petite cavité au sud-est permettrait d’accéder au puits des âmes.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_des_%C3%A2mes
    Le Talmud parle de cette pierre comme le centre du monde et sert de couverture pour les Abysses Apsû contenant les eaux furieuses du déluge.

    Ainsi nous retrouverions le déluge dans la « vague qui noie l’existence passée dans l’obscurité de l’abysse », le puits aux âmes dans le « passage bienfaisant, qui donne aux âmes fatiguées le moyen de se tenir à nouveau debout » et la pierre de fondation dans « la première pierre de l’édifice qu’il faut construire ».

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    1. Je pensais bien à Simon-Pierre et au déluge en rédigeant ce bref billet, mais j’avoue ne pas pas avoir songé à pousser la métaphore jusqu’au rocher de de la Fondation et au puits des Âmes. À vrai dire, lorsque je pense à ce type de passage symbolique (et souvent aquatique), je pense plus aux gnostiques, à la « porte des Hommes » associée au signe du Cancer (signe aquatique ; à mon tour de citer Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Remont%C3%A9e_de_l'%C3%A2me). À travers les eaux du Cancer, l’âme s’incarne et rend possible l’acte qu’elle s’est destiné à accomplir. C’est un système symbolique que je manie avec plus de facilité que le Talmud, sans parler de tout ce qui touche aux croyances musulmanes, pour lesquelles mes connaissances sont très faibles (lacune que j’espère rapidement combler). Mais je trouve plus judicieux, à la réflexion, de rester dans cette mythologie du Livre unique que de partir dans des considérations plus hermétiques.

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    2. Merci beaucoup pour cette réponse sur vos sources d'inspiration. J'avais déjà croisé — mais où? — cette histoire de Cancer et de Capricorne. C'était à propos du mythe de Diane de Poitiers (cher à Nerval) dans « Le mythe de Diane chez Du Bellay: de la symbolique lunaire à l’emblème de cour » (http://www.persee.fr/doc/albin_1154-5852_2002_num_14_1_929).

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    3. La mythologie et son utilisation poétique et politique à la Cour du beau XVIe siècle, ce thème ne pouvait que me plaire. J’ai glané deux/trois références dans la bibliographie de cet article (et j’en suis bien contente). Merci !

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