J'ai enfin réussi à trouver l'énergie nécessaire pour parler un peu de l'exposition Cheveux chéris que j'ai été voir mardi dernier au musée du Quai Branly, là où, paraît-il, dialoguent les cultures (en tout cas c'est ce qui écrit sur le petit dépliant que j'ai eu à l'entrée). Je n'y avais encore jamais été, du coup ce fut une double découverte.
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Sous le pont de l'Alma coule aussi la Seine,
et les arbres ont enfin pris leurs couleurs d'automne. |
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Le musée se cache derrière un jardin et une gigantesque verrière,
que je n'ai pas vraiment réussi à joliment photographier... Tant pis. |
J'ai bien aimé cette façon d'être plongé « ailleurs » avant d'arriver au musée à proprement parler : la végétation est dense, haute ; difficile d'imaginer que quelques mètres derrière soi des centaines de voitures sont en train de rouler à la queue-leu-leu...
Par contre trouver la billetterie est un véritable parcours du combattant, ou alors je suis franchement un cas désespéré pour tout ce qui touche à l'orientation (ce qui n'est pas à exclure). Le bâtiment est immense, il faut tourner longtemps avant de trouver l'entrée et l'accueil. Une fois les billets gratuits payés (ça me fait toujours rire), on doit traverser une sorte de passerelle en forme de demi-cercle, en pente ascendante, assez longue, suffisamment longue en tout cas pour se demander à nouveau si l'on ne s'est pas perdu (pourtant il n'y avait qu'une seule entrée ? *désespoir*). À la réflexion je crois que cette entrée démesurée fait partie du « processus mental » pour accéder aux collections. Tout est blanc, dépouillé, baigné de lumière, puis devient crûment sombre alors que l'on accède enfin au musée à proprement parler : tout est fait pour nous déboussoler et nous faire arriver presque perdu face à des objets par lesquels sont exhibées les racines de nos civilisations. Ou alors c'est juste pour faire marcher le touriste américain.
Enfin, l'exposition !
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D'après ce que j'ai compris, elle est présentée comme une sorte de vanité, c'est-à-dire que l'on débute avec des œuvres qui présentent les cheveux comme ornement, signe de beauté, de virilité, d'angélisme même, en fonction de leur coiffure et de leur couleur. Ensuite vient la perte, la tonte, comme signe de vieillesse et de disgrâce, pour terminer sur le cheveu comme symbole religieux et spirituel. On commence avec des bustes de femmes, des tableaux romantiques, et tout s'achève sur des scalps, des têtes rétrécies et des momies. Le sentiment que j'ai ressenti en sortant est assez particulier, on passe vraiment de l'attribut gracieux au symbole d'une mort impénétrable et impitoyable. C'était la première fois que je me trouvais confrontée à une tête rétrécie (à gauche sur l'affiche de l'exposition), je suis restée bloquée devant elle une bonne dizaine de minutes tellement elle dégageait quelque chose de fascinant. Devant moi, une tête minuscule, dont les paupières, le nez, la bouche sont encore visibles, les cheveux en parfait état, et cette tête a un jour respiré, parlé, pensé ; tout ceci donne un peu le tournis. La tête sacrifiée et fraîchement coupée était cousue, bouillie, malaxée, jusqu'à avoir la taille d'un poing fermé... Un rituel mortuaire comme un autre, au fond. Mais des siècles après, surtout dans notre civilisation où la mort est devenue une chose vague que l'on relègue au fond des hôpitaux, voir un autre soi-même déformé de la sorte est très déroutant, quoique, peut-être, nécessaire pour remettre quelque orgueil en place...
Bref, mes photos sont toutes plus ou moins mauvaises, plutôt plus que moins d'ailleurs ! Voici celles qui s'en sortent le mieux :
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Colette dans son jardin à 15 ans |
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Li-Yunne-Tchiaoo, lettré chinois de 57 ans
(cadré n'importe comment mais bon... *honte*) |
L'exposition met beaucoup en avant la différence de statut de certaines coiffures d'une civilisation à une autre (par exemple, sur ces deux photos, la tresse des jeunes filles d'Occident face à celles des intellectuels d'Orient), mais aussi au sein d'une même civilisation : le crâne rasé des moines et des bagnards, les cheveux lâchés des sirènes et de Marie-Madeleine repentante... Il est très intéressant de voir quelques-unes de ces représentations confrontées les unes aux autres.
J'ai vu également la photographie très forte d'une jeune femme tondue en 1945, un enfant dans les bras, poursuivie par une foule moqueuse et méprisante après qu'on lui a enlevé le symbole de sa dignité de femme, sa chevelure. Sans chevelure, il y a preuve de trahison, et raison de brimer. L'exposition a aussi touché du doigt quelques mouvements contestataires comme le punk, en soulignant comme la coiffure, ou son absence, peut également être une volonté de contrôle de soi et de refus des institutions établies (ce qui vaut aussi, d'une certaine manière, pour la tonsure, ce que je trouve amusant).
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Buste en bronze d'une femme noire, XIXe siècle. |
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Si ma mémoire est bonne, c'est le buste de Marie-Amélie
de Bourbon, reine des Français, mais il est possible que
je me trompe... |
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La Liseuse, Jean-Jacques Henner.
Ma photo était trop mauvaise, j'ai trouvé celle-ci sur ce Tumblr. |
Je suis une mauvaise fille, j'ai commencé par parler de la fin alors que je n'ai que des photos du début ; j'ai toujours autant de mal à photographier des objets cultuels ou spirituels, du coup, je me limite aux tableaux et autres sculptures... ce qui ne m'empêche pas de les rater ! Bref, mon billet est assez désordonné (comme souvent...) ; j'espère quand même avoir rendu justice à cette exposition. Quoiqu'il en soit, si vous avez l'occasion d'y aller, faites-le : c'est une bonne et belle gifle.