dimanche 16 novembre 2014

CXCII

Manuel Orazi, fragment du mois de novembre du calendrier magique.
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« La peau du corps était parfaitement blanche ; les bouts pâles des seins étaient rentrés comme des nombrils délicats ; pas un reflet rose n’avivait l’éphémère statue couchée, mais quelques taches couleur d’émeraude qui teintaient doucement le ventre lisse signifiaient que des millions de vies nouvelles germaient de la chair à peine refroidie et demandaient à succéder. »
Pierre Louÿs, Aphrodite.
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Début janvier, j’avais consigné dans mon journal la liste des douze mois de l’année avec à leur côté le mot qui selon moi les définissait le mieux. Je souhaitais vraiment trouver le terme parfait, et je me sens encore loin du compte, mars (on se demande pourquoi) et novembre exceptés. À côté de novembre, donc, est sagement consigné « déliquescence ». Légère liberté prise avec la langue, le terme au sens propre n’ayant que peu de choses à voir avec la grisaille automnale. Mais déliquescence est un mot que, déjà, je trouve superbe à l’oreille et à la vue, et surtout, je sens en le prononçant cette langueur dans la pourriture, quelque chose de doux et d’humide comme l’humus des forêts. Tout se corrompt lentement, les feuilles rongées se putréfient avant la chute même ; l’atmosphère est gorgée des senteurs douces-amères de la moisissure, cette moisissure lumineuse, dorée, des sous-bois qui s’endorment sous des nuages de plomb... Ultime confrontation avant que les ciels cadavériques ne nous blanchissent de leur chaux de givre ! Le petit monde grouillant se cache, les araignées tissent dans les abris douillets, et l’homme aperçoit la lune enflée sous un voile de brume.

« Que tu tournes légèrement, soutenue par l’éther impalpable ! Il se polit autour de toi, et c’est le mouvement de ton agitation qui distribue les vents et les rosées fécondes. Selon que tu croîs et décrois, s’allongent ou se rapetissent les yeux des chats et les taches des panthères. Les épouses hurlent ton nom dans la douleur des enfantements ! Tu gonfles le coquillage ! Tu fais bouillonner les vins ! Tu putréfies les cadavres ! Tu formes les perles au fond de la mer !
Et tous les germes, ô Déesse ! fermentent dans les obscures profondeurs de ton humidité. »
Gustave Flaubert, Salammbô, Invocation à la lune (extrait). 

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16 novembre donc, mes envies se confondent avec la pâleur des nuages. J’enfile des perles (beaucoup), je couds (un peu), j’exécute même quelques croquis pour un projet en cours et réalise à quel point je suis peu douée pour reproduire en volume ce que j’imagine. Me projeter dans l’espace est un talent que je ne possède décidément pas.

Je me contente de regarder les nuages, vile paresseuse.
Ou alors je pose plein de choses au sol et je les photographie.
Voire même, je photographie des photographies de choses posées au sol. On ne s’en sort plus.
Doux, doux dimanche 16 novembre ! Derrière ces faux-airs de procrastination se cachent de nouvelles idées qui éclosent presque trop vite. Encore un peu de travail et je pourrai montrer ici d’autres images que celles d’amas de tissus. Un gros WIP qui ne ressemble encore à rien pour le moment, trop fragmenté, mais dont l’évolution m’enchante ! J’aime fabriquer de petites pièces d’ici de là, mais cela faisait des lustres que je ne m’étais pas consacrée à une entreprise plus ambitieuse, plus cohérente.
(J’en profite pour glisser quelques images de babioles façonnées dernièrement.)


J’ai expérimenté le cabochon à la truelle. Autrement dit, un peu de colle sur un support, et on ajoute de la garniture plus ou moins harmonieusement. Je me suis fait la main sur un vieux pendentif en forme de cuiller que je ne porte plus du tout, ça m’a plu, je me suis souvenu de cet ange qui traînait dans une boîte, et voilà.

La cuiller en question, que j’ai montée en boucle d’oreille. Je la trouve trouve mignonne, mais je sais que je ne la porterai sans doute jamais.
Vert x violet x médailles religieuses.
Et ma vie ces prochains jours tournera autour de ceci.

4 commentaires:

  1. Post plein de délicatesse <3 J'aime beaucoup !

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  2. De mon côté j'avais une citation pour Novembre, mais le livre est à 800 km d'ici donc tant pis… Mais un seul mot, c'est plus audacieux, plus minimaliste - tel ce générateur d'haiku que j'avais utilisé il y a 3 ans de cela pour une vidéo. Je poste à la sauvette, tant pis. Bon craft !

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    1. Merci ! (Je réponds à la sauvette également, il n'y a pas de raison.)

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