samedi 18 avril 2015

CCXXVII ~ De l’esthète.

Combien sommes-nous, pauvres humains, à rêver de nos rituels de solitude lorsque les contraintes de la vie en société deviennent de plus en plus écrasantes… Jouer avec l’absurde ne suffit pas toujours à balayer la monotonie qui encrasse l’existence.
Je profite toujours des miens avec avidité. Ils se ressemblent, au fil des années, seule la lumière change réellement, d’une saison à l’autre.
Je me pelotonne dans mes vieilles étoffes, j’attrape le Livre, souvent de la poésie, même en prose, quelques mélodies, et plus rien d’autre n’existe, sinon la lueur de la bougie et le thé qui infuse tranquillement.
Les parfums s’harmonisent, la liqueur dans le verre de fortune prend les reflets mystiques de la banalité de cette soirée d’avril qu’une phrase, un vers, un mot, auront suffi à rendre unique.
Bien peu de choses, en vérité, que cette magie des conditions réunies qui tout à coup rendent mon corps éthéré ; où, seule dans mes fripes, avec mon chat et mon vieux livre – quel tableau ! – je ressens la rosée contre mon pied nu, et la brise d’une après-midi forestière entre mes doigts, et partout ailleurs les vagues qui se brisent contre ma peau rougie par le couchant.
Je bois mon thé et mange ses feuilles, ressens le violent besoin de boire le jus d’une orange, puis celui, tout aussi impérieux, de ne me nourrir que de fumée d’encens… Entre mes murs transfigurés par le Soleil se mêlent des océans de paysages que je contemple du haut de mon rocher avant de les fondre en moi, et de me fondre en eux. 

Un peu du Livre. Du Nerval, pour changer (ou pas).

À vrai dire j’étais venue ici avancer un fichu billet qui me hante depuis des années sur l’ero-loli et que je ne parviens à sortir tant j’ai à dire dessus, tant la vision que j’en ai s’affine et s’élargit au fil des mois, et lorsque, enfin, je parviens à classer mes idées de façon cohérente, je réalise qu’elles sont complètement obsolètes. Bref, je ne suis jamais satisfaite. 
Je me demande si je ne devrais pas, simplement, essayer d’exprimer mes idées par des images plutôt que par des mots, mais c’est une facilité qui m’agace. À chacun ses paradoxes, voilà l’un des miens : je pose et partage joyeusement image sur image, à travers ce blog ou mon compte Instagram, mais je trouve malgré tout que nous sommes envahis par elle et que son abus se transforme en frein pour la réflexion. Je préfère passer de l’image au mot, légender plus que de laisser simplement une photo à mâchonner.

Lorsque je présente des styles ici, mon objectif n’est pas tant d’en rédiger un article encyclopédique que d’en présenter ma vision. D’autres le font bien mieux que moi, c’est pourquoi j’accompagne toujours ce type de billets de liens annexes plus « techniques » ou rigoureux. Et je ne sais pourquoi mes impressions sur ce style fluctuent autant ; sans doute parce que, ayant trait à une certaine forme d’intimité, il dévoile plus que d’autres. L’ero, pour rester vague et basique, est pour moi le moment où la lolita fatiguée de ses atours erre chez elle en déshabillés précieux, pourquoi pas pour l’un de ces moments magiques des conditions réunies. J’en ai une vision très égoïste en fait, où, plus tout à fait poupée ni vraiment femme, elle s’offre un instant de belle et profonde solitude. Elle est le paroxysme du lolita d’une certaine façon, comme si, en en retirant les couches extérieures, on parvient à son repos, et par là, à sa nature véritable. L’idée n’a rien de neuf, mais le dessous, à tort ou à raison, a toujours eu ce parfum de révélation. L’érotisme, pour peu qu’on veuille en teinter l’ero-loli (et encore) n’est pas pour moi la révélation du corps mais celle de l’âme. Ce qui me fascine, dans le déshabillé, la nudité, n’est pas tant l’excitation du sexe (parce que bon, un vagin ou un pénis, ça fait du bien, mais on s’en fout un peu quand même) que ce qui me sera révélé sur l’être. Et le plus rigolo, évidemment, c’est d’en jouer, de ne jamais se révéler pleinement mais de laisser des indices. Le plus puissant l’indice, le plus forte la charge érotique. Même une poignée de main peut devenir très exaltante. (On sent que je m’égare là, non ?).
 
Je pense que l’on frôle ici mon plus gros problème. L’érotisme, le corps, me fascinent. Je trouve la nudité merveilleuse. Et je me sens totalement à l’opposé de ce qu’en fait le XXIe siècle. Lorsque je discutai, voilà quelques années, de l’ero-loli, on me répondait que « si je veux devenir sexy pour mon copain, je mets des talons et une belle robe, pas du loli », alors qu’il ne fut jamais question de rendre le loli sexy par le biais de l’ero. Les deux choses sont si loin l’une de l’autre. Je trouve désespérant qu’à notre époque, alors que le sexe est enfin débarrassé de son côté tabou, sale, répugnant, etc. etc., on ne puisse s’en libérer suffisamment pour voir qu’il existe un monde entre l’érotique et le sexy. Comme toutes les choses agréables qui sont désormais à la portée du plus grand nombre sans culpabilisation, le corps est gâté par l’abus. Parce que l’humanité ne sait pas apprécier les choses en esthète. Parce que l’humanité préfère la frénésie à la suavité. Le monde est devenu ce petit-bourgeois honni de générations d’artistes.

Ces derniers mois, j’essaie de grandir en cherchant quelle poésie se trouve dans son refus. Tous les soirs, en pleine crise de panique face à la foule qui se presse dans mon RER (oui, je crains la foule), je recherche cette magie des conditions réunies, et franchement, je peine. Ou, si j’y arrive, c’est par le miracle d’une sensibilité qui se calerait sur la mienne. Ce qui est bien trop facile.
J’aimerais écrire une œuvre lyrique sur ce XXIe siècle qui me désespère. La crudité réaliste pour ce monde-ci est trop facile, elle aussi. Et le lyrisme sur les thèmes éculés de la nymphe et du coucher de soleil l’est tout autant (ce qui ne m’empêchera pas de continuer à l’exploiter, because of reasons). Je cherche, sincèrement, la beauté partout. Et, si je ne parviens pas à la trouver, et bien ! J’aurai essayé. Et je n’aurai pas été vaincue par le cynisme à moins du quart de siècle. Ne laissons pas à la postérité cette image égotiste et satisfaite d’elle-même qui menace de nous coller à la peau. Tout doit devenir moyen. L’arbre comme la plaque d’égout. Le monde contemporain n’est pas coupé du reste de l’histoire littéraire et artistique. Le XIXe siècle, pourtant pétri d’aristocratie financière et de laide industrie (et si encore il n’y avait que ça !), a pourtant achevé des chefs d’œuvre.

(Oui, bon. Pour le coup, c’est très facile.)

2 commentaires:

  1. Je comprend tellement ce que tu veux dire pour l'ero lolita ; c'est un style que je défend avec véhémence, mais en même temps il est très dur de le definir (je veux dire au dela du physique). C'est un état d'esprit assez spécial, on veut à la fois être femme, attirante, intriguante, langoureuse, et même temps dissimuler ce qu'aujourd'hui on considère comme attirant.
    Je me demande si l'ero lolita n'est en fait pas l'erotisme d'une autre époque? (Je sais pas si je suis très compréhensible)
    Tu n'imagines pas à quel point j'aimerais pouvoir faire des photos avec toi en Ero-lolita ; je nous imagine très bien dans un boudoir avec un air désabusé ahahah

    -Et mon ex ne m'a jamais trouvé aussi sexy qu'en Ero loli 8D Gloire à la sensualité dissimulée derrière des dentelles 8D -

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    1. Je pense aussi que c'est une sorte d'érotisme d'une autre époque. Parfois aussi, je tombe sur des photos de lingerie qui collent complètement à l'idée que j'ai de l'ero sans en être. J'imagine des atmosphères douces, d'autres plus agressives... Contrastées comme peuvent l'être celles des sweet et des gothic. Tellement de choses à exploiter dans l'ero ! Je suis heureuse de voir que de belles lolitas comme toi le défendent, le style le mérite amplement.

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