samedi 26 septembre 2015

CCLV

Peut-on se réjouir de voir le lolita traité correctement à la télévision ? C’est la question que je me pose depuis hier soir, alors que notre ambassadrice Pom vient de remporter une édition des Reines du shopping. Autant je suis ravie pour elle, autant je suis franchement partagée sur les réactions sur le lolita que sa victoire engendre, et que l’on pourrait résumer par « Enfin ! le lolita n’est pas descendu en flèche par les médias », parfois même teinté de « Pour une fois ce ne sont pas les abruties mainstream qui gagnent » (mais cette dernière partie, franchement, ne vaut vraiment pas la peine que l’on s’attarde dessus tant elle témoigne à elle seule de sa petitesse).

(Sinon, cela fait presque dix ans qu’Arte parle de lolita sans jugement de valeur, mais ça… Cette chaîne du service public ne serait-elle pas assez mainstream pour que l’on daigne s’intéresser à son jugement ?)

Pourquoi ce « enfin » ? Était-ce réellement quelque chose que nous attendions depuis longtemps ? Ne pas être ridiculisées par la culture de masse ? 

Parce que nous avions besoin de cette approbation… ? Sommes nous donc si sensibles que cela à l’avis du plus grand nombre ?

Je reprends ici un extrait d’un article que j’aime bien, et qui traite de la sexualisation du lolita :

I was showing off ‘Sugary Carnival’, which is a print by Angelic Pretty with marshmallow-twist lines that end in carousel horses around the hem.
“So what,” he asked, “is the idea that men want to eat it off you?”
“Er, no,” I told him, “lolita isn’t intended as sexual. I guess people can find it that, but to be honest, finding it sexual I find more than a little creepy.”
“Well,” he told me, eyebrows raised, “what do you think men are thinking?”
“I think nobody cares what men are thinking.”

Cette réponse (implacable !) peut s’étendre à tant d’autres domaines de la vie en société. La lolita ne s’habille pas pour être attirante, tout comme elle ne s’habille pas pour chercher une quelconque forme de justification de sa propre existence par le regard de l’autre. Il me semble dès lors complètement absurde de vouloir étendre l’expérience télévisuelle d’un individu (ici, donc, la charmante Pom), qui a décidé librement de soumettre son apparence vestimentaire au jugement d’un tiers, à toute une sous-culture. Symboliquement, ce serait terrible, et je suis vraiment surprise que personne ne l’ait relevé. Comme si une voix enjouée s’écriait « Nous n’avons besoin de l’accord de personne pour exister » puis, plus timidement, « mais… ».

De plus, qu’une jeune femme avec un style particulier ait remporté un concours en étant jugée sur les mêmes critères que les autres… N’est-ce pas simplement normal ?

Je continue d’espérer que l’âme du lolita n’aura pas besoin de se lover dans un moule extérieur à lui-même pour se trouver comme un parfum de légitimité. Il existe déjà par la beauté qu’il exhale, n’est-ce pas déjà incroyablement puissant ?

10 commentaires:

  1. Je suppose que la raison pour laquelle l'émission ait été remportée par une lolita exalte autant, est plus la preuve d'une volonté de revanche enfouie qu'autre chose. Après tout on a bien le même comportement quand certaines disent s'habiller en moldu en parlant de mode non lolita.
    Qu'ils crient le contraire, la plupart des gens recherchent une légitimité à faire valoir le lolita comme "normal" aux yeux d'une population dont ce n'est en grande partie pas la culture.
    J'ai le même sentiment de trahison quand je lis parfois ou entend que la mode est "nulle". Non il faut remettre les choses dans leurs contexte et arrêter de vociférer qu'une chose est meilleure qu'une autre, elle sont juste différentes. Point.


    Tout cela pour dire, qu'en gros je suis assez d'accord avec toi.

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    1. Oui, l’expression « moldu » m’a toujours un peu gonflée aussi, même si son utilisation s’est pas mal atténuée ces dernières années.
      J’y pensais justement à ce discours du lolita comme « normal », et je ne comprends toujours pas ni le plaisir ni l’intérêt qui pourrait en découler, ni même la façon de le justifier.

      L’humanité est bardée de préjugés. Si tu es jeune, vieux, tu es ceci, cela, si portes une robe, tu es ci, si tu manges beaucoup, tu es ça ; et si éduquer tout le monde pour ne pas juger uniquement selon les apparences relève sans doute de la chimère, vouloir le compenser en cherchant à tout ranger dans la normalité est plutôt contre-productif...

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    2. La mode n'étant qu'un éternel recommencement, le Lolita finira fatalement par intégrer le paysage visuel. On l'a vu avec le rock, le gothique, le rave, le punk etc... au bout d'une certaine période, la société, les gens s'approprient les codes des mouvements, les mâchent et les digèrent pour les garder dans leur bedons. C'est une évolution naturelle. Simplement, beaucoup cherchent à la précipité notamment du fait d'internet ou de la télévision.
      Ce sont des moyens de véhiculer l'image très intéressants et pratiques mais à utiliser avec soin comme toujours.

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    3. Et nous finirons, dans 30 ans, embourgeoisées, à se plaindre des générations futures en lisant le Figaro. J’y pensais ce matin, dans le métro, à tous ces idéaux brisés par la force du quotidien, alors quand le désir de reconnaissance s’en mêle...

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  2. Je suis d'accord avec toi. Je n'ai pas compris toute cette mouvance autour de la mode Lolita à travers ce media là.
    Pour ma part, j'ai suivi l'émission et je ne cache pas que je la regardais déjà.
    Cette semaine, je l'ai réellement suivi (à regarder les replay et tout) mais juste parce que c'était Pom et non pour "la représentation du lolita dans le monde moderne". Quand Myriam passera à NPLP, je regarderai également, juste pour voir une copine passer à la tv et puis le reste, je m'en moque.

    Sinon, merci de me permettre de revoir Mana chez Tracks qui à l'époque m' avait tout aussi terrifié qu'attiré.

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    1. Tracks, c’est l’émission qui effraie tout autant qu’elle attire !

      Comme tu dis, soutenir des gens que nous apprécions faire des choses qui leur plaisent, c’est une chose, mais vouloir en faire une cause nationale, c’est différent. J’imagine que c’est une façon de s’identifier également ; si je vois une loli qui passe à la télévision, c’est comme si moi, je passais à la télévision aussi... Enfin bref, beaucoup de choses me semblent illogiques là-dedans, mais j’imagine que c’est humain, après tout...

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  3. Coucou Hana,

    J'ai justement eu une discussion sur ce même sujet avec une amie hier.
    Je pense que ce que les personnes ont voulu exprimé par-là n'était pas un "enfin nous sommes reconnues" mais plutôt un "ouf, nous n'avons pas été ridiculisées, alléluia !" (chose dont j'avais moins même très peur !). Personnellement (mais peut-être mon prisme face à la réalité est-il déformé ?), je ne pense pas que les lolitas cherchent la reconnaissance de masse, à mon avis nous sommes bien telles que nous sommes.
    (Après de façon plus personnelle j’ai essayé de montrer un peu ce qu’est la mode lolita en portant un style différent par jour. Non pas pour éduquer les gens, mais pour ma famille, mes amis et collègues de travail qui n’ont pas trop l’occasion de voir la palette de style que je porte au quotidien. Ils étaient très contents de voir cela d’ailleurs. Mais bref, là n’est pas le sujet !)

    Après, je pense que les gens ont regardé non pas parce que c'était une représentation du lolita dans une émission mainstream, mais parce que pour une fois il y avait quelqu'un qu'ils connaissaient et que du coup c'était chouette que ce soit une connaissance qui passe dans une émission. Et du coup, ils étaient contents que ce soit quelqu’un qu’ils connaissent qui gagne (de la même façon que j’étais déçue que Lys n'ai pas gagné pas les douze coups de midi, par exemple). Après, ce n'est que mon point du vue personnel :)

    En tout cas merci pour ton article, c'est toujours très intéressant de lire ce genre d'avis car cela pousse la réflexion et tire la remise en question, ça fait du bien ! Merci encore ! (et merci pour le lien vers l'itw de Mana, je l'avais honteusement perdu !)

    Bisous ma belle ♥

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    1. Bonjour Pom, et encore félicitations !

      Oui, nous sommes nombreuses à te connaître et donc à t’avoir soutenue, parce que nous savions que cette participation était importante pour toi et il était logique de t’encourager jusqu’au bout. J’ai trouvé très appréciable d’ailleurs que tu cherches à atténuer les réflexions les plus agressives sur ce qui était montré de tes concurrentes, en rappelant que toute émission est montée pour créer de l’audience, et pas simplement pour refléter la réalité de ce type de concours... Du peu que j’en ai vu (je ne te cache pas que j’ai simplement regardé le premier replay, juste pour tes beaux yeux, le reste, c’était vraiment au-dessus de mes forces), tu as été parfaite de bout en bout, naturelle, souriante ; bref, tu t’amusais, ça se voyait, et au fond c’est l’essentiel !

      J’étais très heureuse pour toi que ton style ne soit pas tourné en ridicule, parce que cela m’aurait blessée que l’on s’attaque personnellement à toi, mais quelque part qu’un média tourne le lolita en ridicule, au fond, qu’importe. Le lolita n’a pas besoin des médias extérieurs pour exister, il a le bouche à oreilles, ses propres presses, les réseaux sociaux, etc.; la peur du ridicule n’existe, à mon sens, que parce que l’on accorde de l’importance à l’image que l’on veut montrer, et c’est bien ce que je trouve dommage. Et puis bon, dans ma tête il existe un gouffre irréconciliable entre style anticonformiste et média de masse, mais enfin… J’imagine que chacun a ses propres tolérances et paradoxes là-dessus. Je ne suis pas toute blanche non plus, si l’on considère la place que je prends sur Internet. Ou même mon travail, là on pourrait carrément dire que j’agis blanc en prêchant noir. Mais plus sérieusement, je me pose de sincères questions sur l’utilisation des médias pour une cause sincère, qu’elle soit sociale, politique, artistique… Se faire entendre sans rien perdre de sa fougue et de son indépendance d’esprit, fichtre ! C’est une bien belle gageure...

      Bref, je m’éloigne également du sujet à mon tour. En tout cas, je suis ravie que tu te sois sortie de cette aventure sans égratignure, et même, avec les honneurs.

      Je t'embrasse aussi.

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  4. Je pense sincèrement que de vouloir faire une vitrine au Lolita dans une telle émission était un voeu totalement irréaliste. C'est pourquoi je n'avais pas très bien compris la démarche de Pom, alors qu'elle venait de refuser une interview pour une autre émission de TV.

    Finalement, elle y est allée pour s'amuser et ça m'a rassurée. J'ai beaucoup aimé l'entente entre les filles qui ne transparaissaient pas toujours à cause du montage.

    Et comme dit plus haut par Pom elle-même, j'étais soulagée que le Lolita n'a pas été tourné en ridicule, disons plus qu'un autre style durant l'émission (contrairement à la version allemande des reines du shopping).

    Si l'on veut montrer le Lolita au grand public, je ne pense pas que ce sera via de tels show télévisés que cela se fera, mais bien via la platteforme du documentaire (Arte justement :P).

    Il n'y a pas besoin de faire accepter le Lolita comme "normal" ou pas. Simplement d'avoir plus de respect et de compréhension. C'est une erreur à mon sens de vouloir imposer notre vision de la mode au reste du monde juste parce qu'on est parfois regardée de travers dans la rue. Il suffit d'expliquer avec passion et honnêteté :)

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    1. Tout à fait ! Il me semble légitime de vouloir être tranquille dans la rue lorsque l’on y marche en lolita, de la même façon que tout le monde devrait pouvoir se mouvoir sans avoir à craindre les remarques blessantes d’un tiers.
      J’y repense, mais samedi, en rentrant assez tard du théâtre, je me suis trouvée dans le métro face à une demoiselle à la (superbe) chevelure décolorée et argentée, et, juste à côté, deux femmes qui pouffaient en la montrant du doigt, en s’exclamant : « On dirait une grand-mère ! C’est moche ! Non mais qui voudrait ressembler à ça ! », et leur comportement m’a tellement énervée. Peu importe les motivations qui poussent untel à se colorer les cheveux, peu importe leur normalité ou leur désir d’extravagance, ils n’ont pas à subir ces gamineries à peine dignes d’un gamin de primaire. Expliquer le lolita à ceux qui ne s’y intéressent pas ne résoudra pas le problème, au mieux, ça ne fera que le déplacer.

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