dimanche 14 août 2016

CCCXXIII ~ [Second interlude] 서울

Suite (et fin) de mon périple coréen.

Le deuxième jour, je m’en allais explorer deux des trois domaines royaux que je voulais visiter. Le premier, le Gyeongbokgung (soit palais du Bonheur resplendissant) a été entièrement détruit après la colonisation japonaise au XXe siècle puis minutieusement reconstruit dans les années 1990.

Devant…
… derrière.
Trône du roi dans l’un de ses appartements.
Détail du plafond.
La loi confucéenne, stricte, séparait complètement l’habitat des femmes et des hommes, et la règle est respectée jusque dans le palais. Les appartements du roi occupent les premiers pavillons, puis on trouve, derrière, les appartements de la reine, et enfin, à l’arrière du palais, un espace aménagé en divers jardins.

Un des appartements dédiés à la reine.
L’une des portes qui relient les diverses zones du palais. C’est un peu labyrinthique, lorsque l’on manque d’habitude !
L’un des jardins.
Et vous n’alliez pas vous en tirer sans une photo de fleurs !
Mes connaissances en histoire coréenne se résumaient grossièrement en une énorme lacune (je me suis un tout petit peu rattrapée depuis). Il y avait le XXe siècle, avant lui, la dynastie Joseon, et avant… je ne connaissais rien d’autre. Dès lors, je n’étais que yeux et oreilles en franchissant les enceintes des palais, même si l’esprit humain est ainsi fait que je n’ai hélas pas retenu tout ce que j’appris en une journée.
Je remarquai aussi avec amusement que le japonais, que je baragouine, me venait plus aisément dans ce pays où je ne comprenais absolument rien une fois sortie du strict minimum de la politesse. Dès que j’entendais parler un peu japonais, les mots sonnaient plus clairement dans mon esprit, comme si par résonance avec des sons mal définis, les sons connus me parvenaient avec plus de puissance !

Bref, après le Gyeongbokgung, il était temps d’aller voir le Changdeokgung (soit palais de la Prospérité). J’avoue n’avoir que peu arpenté le palais proprement dit, complètement envahi par un nombre incroyable de groupes de touristes chinois, en revanche j’eus le plaisir d’en visiter les jardins, accessibles uniquement en visites guidées, et considérés (à juste titre) comme trésor national.


Notre guide, adorable, parlait un anglais parfait, avec un accent très léger qui lui apportait un je-ne-sais-quoi de très élégant. En nous parlant de la première destruction du palais, lors d’une guerre qui remonte au 16e siècle, elle nous dit que la Corée, « unfortunately, had a war with Japan. ». Je fus marquée par la sobriété et la pudeur de cette tournure de phrase, prononcée avec un très léger sourire. Elle portait un très joli hanbok, vert et rose sombres.
Ce jardin était d’ailleurs le paradis du hanbok. Le parc, dans sa verdeur habituelle en cette période de l’année, un lac, où survient l’éclat du vêtement lors d’une marche vive et légère, rayon coloré qui vient briser la cohérence des verts sans en troubler l’harmonie… Selon notre guide, les souverains successifs ne cessaient d’augmenter le nombre de plans d’eau pour pouvoir toujours plus apprécier le reflet des hanboks, virevoltantes fleurs aquatiques !

 

Les rois aménagèrent chacun leur tour ces jardins, ce qui me fit penser à Versailles. Plusieurs types de bâtiments et même de styles architecturaux se côtoient d’un règne à l’autre…


… par exemple cette superbe bibliothèque qui surplombe un petit lac artificiel figurant l’univers. Sur le fronton de la bibliothèque, trois idéogrammes signifient que toute la logique et les mystères de l’univers sont rassemblés ici. Sur la porte qui permet d’y accéder, trois autres idéogrammes expliquent qu’à l’image des poissons et de l’eau de l’étang, le roi et son peuple sont dépendants l’un de l’autre.
À l’arrière, un autre bâtiment où le petit-fils de celui qui fit construire la bibliothèque fit construire à son tour une salle de lecture en bois non peint, par refus du luxe ostentatoire associé à la Cour, et, encore un peu plus loin, un autre parallèle m’est venu avec Versailles : un jardin fait pour fuir l’étiquette en compagnie restreinte, choisie, où se trouve un pavillon où le roi et ses suivants récoltaient eux-même la production d’une rizière miniature. Je me voyais presque dans le Hameau de la reine ! Seule différence, et non des moindres, les motivations dissimulées derrière ces deux constructions respectives : la rêverie pour l’Autrichienne, le désir de comprendre son peuple pour le Coréen.

Piou.
J’ai pris un nombre complètement indécent de photos de nénuphars.
Chaque zone du jardin est mise en valeur lors d’une certaine saison : ainsi les cerisiers fleurissent au printemps près de la bibliothèque, les pluies de mai et de juin nourrissent un ruisseau à côté de la rizière, l’été les nénuphars fleurissent dans un étang bien précis, à l’automne rougissent les érables près de la salle de lecture, et enfin un bâtiment chauffé permet de profiter de la neige en hiver…

Et admirez le superbe chocolat glacé au yuzu qui m’a sauvé la vie après cinq heures de marche sous 30 degrés.
Pour compléter mes bibimbap sans viande, j’ai testé lors de ce bref séjour tous les desserts que je pouvais trouver, et ce qui semblait particulièrement à la mode était le bagel sucré aux fruits. Du jus et quelques morceaux de fruits étaient incorporés à la pâte (ce qui lui donnait généralement une jolie couleur), et on dégustait tout cela avec du fromage frais, de la crème ou du beurre. Je me suis laissé tenter par un bagel myrtille accompagné d’une fraîche infusion de lavande, parce que… j’aime le violet. Les Coréens semblent préférer les infusions au thé, d’ailleurs. Plein de petits stands dans les rues proposaient diverses infusions glacées, un bonheur par cette chaleur. 

J’errai ensuite un peu sans but précis. J’ai visité un sanctuaire confucéen où tout un chemin de pierre était réservé au passage des esprits, mais je n’y ai retenu que la présence d’animaux mignons.

Blâmez moi.
Une Britannique clamait d’ailleurs avoir aperçu un raton-laveur ; j’ai longuement cherché, mais n’ai pas aperçu la queue d’un…

Des poissons lors d’une nouvelle promenade sur les rives du Cheong Gye Cheon.
Un reste d’anciens remparts qui ceignaient la ville, avec un poste de contrôle.
Encore les remparts, avec une église. Je n’ai pas pu visiter la cathédrale de Séoul, déception.
Un site archéologique en pleine lumière sous une sorte de soucoupe volante qui abrite divers centres culturels.
Après tout cela, j’avais une dizaine d’heures de marche dans les jambes, alors je décidai de… gravir la colline de Namsan, soit à peu près un kilomètre d’escaliers. La nuit était tombée, et je voulais absolument voir la vue nocturne qu’offrait Séoul. Un téléphérique permet d’accéder au point de vue, mais la queue était monstrueuse ; je me suis donc dit que je ferai plus vite d’y aller à pied.
(C’est au sommet de cette colline, en plein centre-ville, que se trouve l’une de ces fameuses tours qui font la fierté de tant de villes asiatiques.)

Chacun son truc, moi c’est les ratons-laveurs.
Un maigre aperçu.
C’est un autre aspect poétique de la modernité, je crois, que cette pollution lumineuse qui voile les étoiles, comme si la cité contemporaine tentait de dépasser les galaxies en les reproduisant. Sous le voile des feuillages de Namsan, où autrefois des chamanes accomplissaient leurs rituels, la ville s’étale en constellations, vaine héroïne qui cherche à dompter la lumière. Pour la première fois du voyage, je ressentais le cruel poids de la solitude. J’aurais voulu contempler ce spectacle avec mon âme jumelle, un peu parce que pareil paysage possède je ne sais quoi de grisant dans son partage. Sans doute faut-il être deux pour parvenir à se perdre complètement dans l’inutilité de ces lucioles d’acier et de verre, dont le mystère ne se révèle qu’à la nuit tombée, dans le feu glacial du néon.
Une petite rivière coulait le long d’un chemin qui menait nulle part (en tout cas pas vers le repos), mais je l’ai tout de même emprunté car il était charmant, avec le bruit des grillons. Mais je ne vous cache pas qu’en me dirigeant enfin vers ma chambre, je riais nerveusement à chaque pas, tant mes pieds me faisaient souffrir.

Vous raconter la journée suivante sera donc bref. Dolente après plus de 20 heures de marche en deux jours, épuisée après avoir parcouru près de 3000 kilomètres depuis mon arrivée à Tōkyō, à pied, en train et en bateau, migraineuse à cause d’une pluie lancinante qui dura quatorze heures et qui rendait l’atmosphère très humide, je me suis vaguement promenée à Itaewon (le quartier américain, qui jouxte la base militaire, et où l’on trouve, surprise ! le musée pour la Paix sur la guerre de Corée…) pour me réfugier au musée national et n’en bougeai plus.

Musée où je n’eus l’énergie de prendre qu’une seule photo.
Ainsi que ceci, un peu plus loin.
Mes souvenirs sont très brumeux. Devinant que, ce jour-là, la mémoire me ferait défaut, je me suis rendue dans la librairie, qui comptait quelques livres en anglais, pour compenser (avec un excellent ouvrage d’histoire, en trois volumes – vous pouvez trouver le premier ici). Quant au reste… Je regrettais de ne pas visiter le Deoksugung (ou palais de la Longévité vertueuse) ni le quartier de Gangnam, mais je ne m’en sentais pas du tout la force.
Pour me remonter le moral, je me disais que, de toute façon, je ne pouvais pas tout voir en trois jours. Déjà que j’avais raté la visite de la zone démilitarisée, non dispensée à cause de l’anniversaire du Bouddha…
Alors tant pis, je rentrai dans ma chambre profiter du bruit de la mousson contre ma fenêtre, à boire du thé, à lire Hugo, et finalement, l’après-midi eut tant de charme que je ne regrettai plus rien.

2 commentaires:

  1. As-tu des mollets d'acier après avoir tant marché ? :D
    J'ai adoré ton résumé sur ta visite du jardin. Je crois que c'est ce que je préfère visiter dans les villes : les parcs et les jardins. Ils en disent long sur le rapport que les peuples entretiennent avec la nature, mais aussi avec la philosophie et les étiquettes.
    3 jours seulement et déjà tant de visites ! Y retournerais-tu un jour pour compléter ton voyage ? :)

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    1. Haha, pas encore, mais ça ne saurait tarder !

      Tout à fait, on apprend beaucoup sur un peuple, une civilisation, en cernant le rapport qu’il/elle entretient avec les éléments naturels.

      Et oui, j’espère y retourner un jour ! Même si j’aime beaucoup visiter monuments et jardins, j’ai toujours l’impression d’avoir un point de vue biaisé en fondant ma vision du voyage uniquement là-dessus. D’où mon regret de n’être pas allée à Gangnam, quartier qui n’a rien pour m’attirer à première vue (car on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise), mais qui fait aussi partie du patrimoine de Séoul, de son identité. Et puis pourquoi pas visiter aussi un peu la campagne !

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